La notion d’État de droit au sein du Conseil de l’Europe à l’aune des crises hongroise et polonaise
L’État de droit est une notion ayant fait l’objet d’une longue construction au sein du Conseil de l’Europe afin de faire coïncider, d’harmoniser les différentes conceptions. Si l’organisation rencontre aujourd’hui des difficultés pour faire assurer le respect de l’État de droit par certains de ses États membres, c’est non seulement à cause des résistances des gouvernements en question, mais aussi à cause d’une faiblesse dans la construction même de la notion, faiblesse qui s’illustre dans les crises que connaît la notion en Pologne et en Hongrie.
Noël Boy est doctorant, IDEDH, Université de Montpellier
« Qu’est ce que signifie l’État de droit ? Qui est ce qui peut juger que dans un État, l’État de Droit doit être respecté ou non ?»[1]. Cette phrase du ministre de la Justice Hongrois (qui se place dans un contexte particulier sur lequel nous reviendrons plus loin) soulève deux interrogations ayant fait, et faisant toujours, l’objet d’un nombre de travaux gargantuesques.
Formant un premier élément de réponse, on peut trouver l’État de droit défini comme « le système institutionnel et juridique dans lequel le droit s’impose à toutes les personnes privées mais aussi à l’ensemble des institutions politiques, sous le contrôle du juge »[2]. Il s’agit d’une notion que l’on retrouve en France, dès le XXème siècle, avec l’ouvrage de Carré de Malberg[3] qui, pour citer le professeur Jacques Chevallier, est un « ouvrage fondamental qui constitue le véritable départ de la théorie française de l’État de droit »[4]. Cette notion française d’État de droit s’inspire et même est adaptée de la notion allemande de « Rechtsstaat »[5] (L’État de droit étant la traduction littérale du terme en question) présente dans la doctrine allemande dès le XIXème siècle[6]. Enfin, au Royaume-Uni, on retrouve un concept similaire dans la notion de « Rule of Law » rattachée à Dicey avec son ouvrage de 1885[7]. Ainsi, l’État de droit est une notion plurivoque qui trouve des échos tant au Royaume-Uni qu’en Allemagne. Bien qu’elles ne puissent pas être réduites à une seule et même notion, ces conceptions ont en commun la volonté d’instaurer des limites aux pouvoirs de l’État afin de lutter contre l’arbitraire[8].
Cette notion va se voir consacrée en 1949 comme « patrimoine commun » au sein du traité fondateur du Conseil de l’Europe ainsi que comme un des buts de l’organisation internationale[9]. On retrouvera également cette mention au sein du Préambule de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950 ainsi que dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme qui feront de la notion un de ses fers de lance[10].
Il convient de se demander de quelle manière et sous quelle forme, cette notion plurielle est comprise et utilisée au sein du Conseil de l’Europe. En effet, les textes mentionnés précédemment ne font pas de différenciations entre les conceptions nationales, faisant simplement mention de la « rule of law » dans leur version anglaise, du « rechtsstaat » en allemand, et de la « prééminence du droit » dans leur version française[11].
En observant les utilisations de la notion, on constate que les organes du Conseil de l’Europe, plutôt que de privilégier une conception nationale à une autre, vont au contraire venir développer une notion de l’État de droit résultat d’une convergence des conceptions nationales. Cette construction résulte d’un long et fastidieux travail pour parvenir à dégager, point par point, un « État de droit » qui serait, pour répondre aux souhaits du Conseil de l’Europe, une « conception pratique »[12](I). Cependant, cette conception semble faire face à de nombreux obstacles lorsqu’elle doit s’insérer dans le cadre national de certains États membres (II).
I) La construction de la notion d’État de droit au sein Conseil de l’Europe
En s’appuyant sur une ressource textuelle faisant peu de références à la prééminence du droit et à « l’État de droit », la Cour européenne des droits de l’homme va construire pierre par pierre ces notions, lesquelles se recoupent en anglais sous la dénomination unique de « rule of law ». Malgré une traduction réunissant les deux termes en un, la Cour EDH semble néanmoins concevoir les deux notions comme n’étant pas entièrement interchangeables. Celles-ci vont ainsi être développées non seulement au sein de la jurisprudence de la Cour (A) mais aussi des documents de soft law tachant d’éclaircir les contours ainsi que le contenu des notions (B).
A) La construction jurisprudentielle des notions de la prééminence du droit et de l’État de droit
Si la prééminence du droit est mentionnée dès la fin des années 1950 par la Commission européenne des droits de l’homme[13], il faut attendre 1975 pour que l’arrêt Golder c. Royaume-Uni la consacre, non pas comme « rappel plus ou moins rhétorique, dépourvu d’intérêt pour l’interprète de la Convention » mais comme une formule qui « éclair[e] l’article 6 paragraphe 1 »[14]. La locution n’est ainsi pas enfermée dans le préambule de la Convention EDH comme une formule symbolique, il s’agit bien, dans cet arrêt, d’une « directive d’interprétation »[15]. Par la suite, dans les arrêts de la Cour, plusieurs références seront faites à la notion de prééminence du droit, laquelle va être vue comme une idée dont « s’inspire la Convention tout entière »[16], un « principe »[17], une « notion inhérente à l’ensemble des articles de la Convention »[18]. Après avoir donné à la formule un poids important, il s’agit en effet du « passage le plus significatif du préambule »[19], la Cour va également autonomiser le principe. Par autonomie, il faut comprendre que la Cour, dans ses arrêts, ne rattachera alors pas automatiquement la notion de prééminence du droit à sa source textuelle, à savoir le Préambule, mais aura seulement recours à des références à sa jurisprudence antérieure[20]. Si l’importance du principe ne cesse d’être rappelée, son contenu en revanche reste relativement flou, sa signification et ses implications ne se révélant qu’au cas par cas dans les différents jugements où la notion est utilisée[21]. Le champ sur lequel le principe peut se voir mobilisé est lui aussi très flou. Si le principe de prééminence du droit semble entretenir un rapport privilégié avec l’article 6 de la CEDH (le principe étant souvent mis en œuvre dans des affaires concernant cet article[22]), il y est également fait recours dans le cadre d’autres articles[23]. La prééminence du droit, formule ancrée uniquement dans le préambule de la CEDH, voit donc son influence s’étendre à l’ensemble des articles de la Convention, telle une « pré-éminence grise ».
En comparaison, les références à la notion d’« État de droit » sont plus récentes dans la jurisprudence de la Cour. La formule se retrouve certes dans l’arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède en 1982[24], cependant elle n’est alors pas mobilisée par la Cour mais ressort du rapport de l’ombudsman parlementaire suédois. Il faudra attendre (comme pour la prééminence du droit) quelques années avant que la Cour ne fasse référence à « l’État de droit » dans son raisonnement[25]. Tout comme pour la notion de prééminence du droit, le juge va venir étoffer au fil de sa jurisprudence la notion d’État de droit en l’associant à des composants devant être respectés tels que « la confiance du public dans le système judiciaire »[26] ou le principe de sécurité juridique[27]. Ainsi, la notion d’État de droit, révélé « au compte-gouttes » au fil des arrêts, semble encore aujourd’hui manquer de clarté quant à ses contours mais aussi son contenu[28]. Ce manque de clarté est notamment accentué par la pratique des juges. En effet, à côté d’arrêts où la notion d’État de droit est utilisée de manière isolée, on retrouve également des arrêts où « État de droit » et « prééminence du droit » sont combinés, liés. C’est le cas lorsque la Cour établit « l’État de droit, fondé sur la prééminence du droit »[29] ou encore « un État de droit – c’est-à-dire gouverné par la prééminence du droit »[30], ces formulations soulevant davantage de questions qu’elles n’apportent d’éclaircissements sur le contenu de ces concepts. Enfin, à côté d’arrêts superposant les deux notions, d’autres affaires vont substituer une notion à l’autre. C’est notamment le cas lorsque la Cour avance que l’État de droit et la démocratie sont des « éléments qui constituent les pierres angulaires de la Convention, comme l’atteste son préambule »[31]. Or, comme le note Céline Husson-Rochcongar, le Préambule, s’il fait mention de la prééminence du droit, reste silencieux sur la notion de « l’État de droit »[32]. Faut-il alors considérer que le concept d’État de droit englobe celui de prééminence du droit ? Ou bien, comme Xavier Souvignet, considérer que « selon les juges européens, l’État de droit apparaît comme le résultat de l’adhésion d’une institution juridique – l’État – à un principe idéel – la prééminence du droit » concluant que « la prééminence du droit n’est pas absorbée dans l’État de droit mais plutôt le dépasse » ? Si la relation entre « l’État de droit » et la « prééminence de droit » prête à confusion c’est notamment à cause des délimitations floues de ces deux notions dans la jurisprudence de la Cour EDH. Pour pallier ce flou, les notions vont, en dehors de la jurisprudence, être précisées au sein d’autres travaux émanant d’autres organes du Conseil de l’Europe.
B) Les apports à la construction de la notion par les instances du Conseil de l’Europe
On retrouve des références à l’État de droit et à la prééminence du droit également en dehors de la Convention européenne des droits de l’homme. Les formules apparaissent ainsi dans la Résolution établissant la Commission européenne pour l’efficacité de la justice[33]; le statut révisé de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dont l’un des objectifs est « promouvoir l’État de droit et la démocratie »[34]. Enfin on retrouve aussi la mention de l’État de droit dans la « Déclaration de Varsovie » de 2005[35]. Si ces mentions permettent de donner à ces notions une présence en dehors du seul préambule de la Convention EDH, elles n’apportent en revanche pas d’éléments supplémentaires permettant de définir le contenu de ces notions. Pour trouver des tentatives de développement, il faut alors se tourner vers un autre organe, à savoir la Commission de Venise, laquelle a cherché à éclaircir la notion d’État de Droit au sein de deux études[36]. En 2011, lors des travaux intitulés « Rapport sur la prééminence du droit », la Commission de Venise va venir résumer les principaux éléments de la notion, à savoir « (1) la légalité, qui suppose l’existence d’une procédure d’adoption des textes de loi transparente, responsable et démocratique (2) la sécurité juridique (3) l’interdiction de l’arbitraire (4) l’accès à la justice devant des juridictions indépendantes et impartiales, qui procèdent notamment à un contrôle juridictionnel des actes administratifs (5) le respect des droits de l’homme (6) la non-discrimination et l’égalité devant la loi »[37]. Cette définition va être reprise, presque au mot près, dans l’étude de 2016 intitulée « Liste des critères de l’État de droit », en précisant que « le rapport de 2011 devait faciliter la compréhension et l’interprétation correctes et cohérentes de la notion d’État de droit »[38]. Dans cette étude de 2016, les notions de prééminence et d’État de droit semblent se confondre dans l’unique notion d’État de droit[39].
Face à cette volonté de renforcer et synthétiser ces principes jurisprudentiels au contenu flou et disséminé dans une jurisprudence relativement importante, on pourrait souligner que ces travaux d’explications ne sont au final « que » des documents de soft law et ne font pas entièrement la lumière sur les concepts traités.
Il semble néanmoins possible de nuancer ces critiques. En dehors du caractère relativement « récent » des notions de « prééminence du droit » et « d’État de droit » dans la jurisprudence de la Cour EDH, le contexte dans lequel le Conseil de l’Europe se trouvait permet de mieux comprendre la forme qu’adoptèrent ces notions. Ainsi, comme l’indique le rapport sur la prééminence du droit de la Commission de Venise de 2011, « il convient de noter d’emblée que la notion de « prééminence du droit » (« Rule of law ») n’est pas toujours synonyme de « Rechtsstaat », « Estado de Direito » ou « État de droit ». Elle n’équivaut pas non plus à la notion russe de « prééminence de la législation » ou « prééminence des lois » (verkhovenstvo zakona), ni à celle de « pravovoe gosudarstvo » (« État de droit ») ». Pour reprendre la tournure du Préambule de la Convention, « l’État de droit » fait partie du patrimoine commun aux États parties à la Convention, mais un patrimoine commun de notions propres à chaque pays qui vont l’interpréter chacune à leur manière. Dans un premier temps, la Cour EDH a ainsi dû rechercher, non pas quelle conception nationale consacrer dans sa jurisprudence mais les éléments communs qui serviront à construire une notion de l’État de droit « unifiée »[40]. Cette construction, par sédimentation, permit à la Commission de Venise de déclarer en 2016 qu’« il existe désormais un consensus sur les caractères essentiels des notions de Rule of Law, de Rechtsstaat et d’État de droit », la Commission de Venise considère ainsi être parvenue à dégager un tronc commun.
Cependant, si la question du contenu de « l’État de droit » semble plus ou moins résolue, celle de son application reste toujours présente. La Commission de Venise a ainsi pu insister sur le fait que « le Conseil de l’Europe (…) pouvait contribuer avec les autres organisations et institutions à mettre en œuvre concrètement cet important principe, grâce à son interprétation et à son application à ses États membres et au sein de ceux-ci »[41]. L’application concrète de la notion va ainsi connaître des obstacles, notamment au sein des pays de l’Europe centrale et orientale, ayant connu des régimes communistes où des traditions juridiques particulières, c’est-à-dire des pratiques et conceptions particulières, vont venir influencer la manière dont la notion d’État de droit sera non seulement comprise, mais aussi appliquée.
II) L’application de l’État de droit dans les nouvelles démocraties européennes
Après l’effondrement du bloc soviétique et la fin des régimes communistes, la formule de l’État de Droit fut incluse dans la Constitution de nombreuses nouvelles démocraties telles que la Constitution de Roumanie de 1991[42], la Constitution tchèque de 1993[43] ou encore la Constitution bulgare de 1991[44]. La Hongrie quant à elle fut le seul pays de l’ancien bloc soviétique à ne pas complètement changer de Constitution à la fin du régime communiste. Ni le texte original de 1949, ni l’importante révision constitutionnelle de 1989, ne contenaient de référence à « l’État de droit ». La nouvelle Constitution de 2011, en revanche, fait référence à deux reprises à la rule of law[45]. La Pologne, enfin, a choisi une formule légèrement différente, déclarant que la République Polonaise était « a democratic state ruled by law »[46]. L’intégration de l’expression n’entraîne cependant pas l’intégration du concept, si tant est que l’on puisse parler de concept au singulier. Car si la formule roumaine « stat de drept »[47] semble se rapprocher de la notion « d’État de droit », faut-il y voir pour autant une référence au concept tel qu’il existe en France ? De la même manière, la notion de « principy právního státu » contenue dans la Constitution tchèque aux passages précités s’apparenterait quant à elle à la tournure polonaise, est-il alors toujours possible de relier cette formulation à un concept existant ou s’agirait-il d’un concept nouveau ?
Il semblerait ainsi que tout en incluant la notion d’État de droit à leur ordre juridique, les États interprétèrent la notion afin de l’adapter à leurs contextes et leurs traditions juridiques. Cette forme de diffusion n’est pas sans rappeler la manière dont le concept de « Rechtsstaat » fut adapté et modifié pour devenir le concept « d’État de droit » en France[48].
L’appropriation de la notion au sein d’États possédants des traditions juridiques spécifiques peut ainsi venir poser des difficultés dans son application (A), il s’agit alors d’obstacles devant entrer en ligne de compte pour la construction de la notion (B).
A) Une pratique formaliste obstruant l’application de la notion d’État de droit
Par tradition juridique spécifique, nous entendons ici la tradition, encore présente dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale, du formalisme judiciaire. Pour résumer brièvement le formalisme judiciaire, il est possible de se référer à la définition donnée par le professeur Péter Cserne qui l’identifie comme une situation où « les juges se voient comme appliquant, plutôt que comme créant le Droit, le Droit se référant au « droit positif », c’est-à-dire aux lois adoptées plutôt qu’à un plus grand éventail de sources, et ils (les juges) ont recours à une interprétation littérale plutôt qu’à des méthodes plus créatives ou d’autres modes de raisonnement »[49]. Si les origines de cette tradition peuvent varier[50], elle reste néanmoins toujours présente de nos jours dans les pays anciennement communistes[51].
Il semble que la crise de l’État de droit touchant aujourd’hui certains pays peut en partie s’expliquer par la façon dont cette notion s’est développée dans un contexte de formalisme judiciaire. Ces pays, à savoir la Hongrie et la Pologne (ainsi que la Roumanie dans une moindre mesure), font depuis plusieurs années l’objet de l’attention de l’Union Européenne ainsi que du Conseil de l’Europe (notamment de la Commission de Venise), en raison d’atteintes répétées à « l’État de droit ». Plusieurs documents et jugements concernent ainsi, pour citer quelques sujets, l’atteinte à la liberté d’expression des parlementaires[52]; l’atteinte à l’indépendance de la justice[53] [54], que cela soit vis-à-vis de la fusion du titre de ministre de la justice et de procureur général[55], de la sélection des juges et du changement de l’âge de la retraite des juges[56] ou bien encore l’adoption d’une nouvelle Constitution (cet exemple ne concerne pour l’instant que la Hongrie, cependant le parti actuellement au pouvoir en Pologne ne cache pas son intention de vouloir changer de Constitution)[57]. Dans tous ces cas, les gouvernements de Pologne et de Hongrie, mené par PiS (Prawo i Sprawiedliwość, Droit et Justice en français) dans le premier et par Fidesz dans le second, sont pointés du doigt comme ayant agi sans prendre en compte et sans respecter le principe de l’État de droit[58].
Dans un article de 2018, intitulé « La force de l’attaque ou la faiblesse de la défense », le professeur Marcin Matczak relève que les atteintes faites à l’État de droit furent notamment possibles car les juges se trouvaient désarmés et dans l’impossibilité de contester les lois en question[59], l’État de droit étant un principe hors de leur portée[60]. En effet, selon la tradition du formalisme judiciaire[61], le juge dans son action doit se limiter au seul texte de la loi et doit autant que possible privilégier une interprétation littérale. De ce fait, le juge ne peut pas, en théorie, contrôler si la loi respecte bien le principe de l’État de droit puisqu’il s’agirait (sauf si la loi mentionne expressément l’État de droit) d’une référence à une source extérieure à la loi. Si en pratique le comportement des juges a connu une évolution au fil des années, on constate encore aujourd’hui que les utilisations de références externes à la loi (que cela soit des références à des dispositions européennes ou bien constitutionnelles) sont minoritaires, les juges restant cloisonnés au seul texte de loi[62]. L’État de droit, consacré comme évoqué plus haut dans le texte des Constitutions, serait alors un principe ne pouvant être « légitimement » mobilisé que par les cours constitutionnelles. Ce n’est ainsi pas un hasard si les premières décisions des gouvernements polonais et hongrois furent de paralyser leurs Cours constitutionnelles respectives. Ce résultat fut atteint en Hongrie au travers d’amendements à la Constitution, puis de l’édiction d’une nouvelle Constitution entrée en vigueur le 1er janvier 2012, permettant au gouvernement de changer la Loi Fondamentale sans que la Cour ne puisse intervenir et donc sans opposition (Fidesz possédant au Parlement la majorité absolue nécessaire pour amender la Constitution)[63]. Enfin, des modifications dans la nomination des juges constitutionnels[64], une augmentation du nombre de juges[65] ainsi qu’un changement dans l’élection du président de la Cour[66] permis au gouvernement de neutraliser la Cour constitutionnelle, en faisant « un organe loyal, par opposition au contrepoids indépendant (…) qu’il devrait représenter »[67]. En Pologne, la neutralisation du Tribunal constitutionnel (Trybunał Konstytucyjny) emprunta une voie différente. Le début de la crise constitutionnelle trouve son origine dans la nomination par le Parlement sortant de cinq juges constitutionnels devant remplacer ceux dont le mandat se terminait en novembre et décembre 2015. Ces nominations furent contestées par le parti PiS, qui, au lendemain des élections parlementaires d’octobre 2015 possédait une majorité des sièges du Sejm (chambre basse du Parlement polonais). Considérant les nominations précédentes comme illégales, le nouveau parlement mené par le parti PiS choisit de nommer à son tour cinq juges constitutionnels devant remplacer ceux nommés par l’ancien Parlement[68]. Le conflit se poursuivit avec à deux reprises le vote de lois modifiant l’organisation de la Cour constitutionnelle, lois jugées inconstitutionnelles par le Tribunal constitutionnel, jugements que le gouvernement refusa alors de publier, empêchant ainsi qu’ils ne deviennent contraignants[69]. Enfin, dernier acte de la lutte, à la fin du mandat du Président de la Cour constitutionnelle, Andrzej Rzepliński, PiS parvint à asseoir Julia Przyłębska en tant que Présidente de la Cour, laquelle reconnut alors tous les juges nommés par PiS. Depuis, quatre nouveaux juges nommés par PiS complétèrent la Cour constitutionnelle[70]. Dans ces deux cas, on retrouve la même volonté des acteurs politiques de limiter l’action de cette institution capable de contrevenir à l’action du politique[71].
De même, on constate en Pologne une volonté des politiques de maintenir le formalisme judiciaire en sanctionnant tout écart de la part des juges[72]. L’État de droit se retrouve ainsi immobilisé par un formalisme excessif et instrumentalisé par les gouvernements s’en servant pour empêcher toute résistance[73]. Dans cette situation, la Cour européenne des droits de l’Homme, tout comme la Commission de Venise, se retrouvent dans une impasse puisque l’on constate une dissonance entre le concept « d’État de droit » tel qu’il est construit et envisagé par les organes du Conseil de l’Europe et la manière dont il est reçu et appliqué dans les États membres du Conseil de l’Europe. Or, force est de constater que cet obstacle en particulier à l’application de la notion fait l’objet de peu d’attention au sein des organes du Conseil de l’Europe.
B) Un contrôle incomplet de l’application de la notion d’État de droit
Cette crise de l’État de droit a remis la notion au centre de l’attention, entraînant un grand nombre de documents sur le sujet, apportant autant d’éclaircissements et de développements à la notion même. Dans ses travaux, la Commission de Venise, tout en cherchant à définir les éléments composant l’État de droit, va aussi distinguer cette conception de celles qui « distordent la notion d’État de droit »[74]. Ces distorsions proviennent ainsi des dangers de « conceptions purement formalistes de la prééminence du droit qui se contenterait d’exiger que tout acte commis par un agent public soit autorisé par la loi »[75]. Cette mise en garde, concernant une définition qui conditionnerait la validité d’un acte au seul respect des procédures, fait écho à un débat existant portant sur la question de savoir si le concept d’État de droit comporte seulement des éléments d’ordre formel/procédural ou bien si la notion implique également des éléments substantiels, matériels. La position de la Commission de Venise est donc clairement affirmée, l’État de droit n’est pas un concept seulement formel mais doit bien se concevoir comme comportant aussi des éléments substantiels/matériels[76].
Cependant, à côté de cette mise en garde contre un formalisme juridique, peu d’attention semble être portée au problème du formalisme judiciaire que nous avons pu voir récemment. Lors d’une conférence en 2012 intitulée « the rule of law as a practical concept », le professeur Holovaty constatait que « au lieu de devenir un concept pratique, dans de nombreux cas la prééminence du droit restait un principe qui « aurait pu être ». Il poursuit en disant que « l’objectif de réaliser l’état de droit en tant que principe en action est toujours à l’ordre du jour (…) pour l’Organisation en général »[77]. Une conception purement formaliste de l’État de droit constituerait en effet un obstacle à son application, ou ne permettrait du moins qu’une application très réduite se limitant à contrôler que les actes soient adoptés en suivant les procédures instaurées. De la même manière, la pratique des juges limitant leurs actions à l’application et l’interprétation littérale des textes de loi apparaît comme constituant également un obstacle à l’application concrète de la notion d’État de droit.
Le problème ne proviendrait pas d’une conception fondamentalement différente, il n’y a qu’à voir la façon dont les juges polonais ont réagi face aux réformes de la justice mises en place par le gouvernement et considérées comme violant l’État de droit. Il apparaît donc que la conception de l’État de droit soit conforme à celle voulue par la Commission de Venise. Cependant, cette conception conforme se retrouve enfermée au sein d’une pratique venant limiter sa portée. Cet obstacle fait néanmoins l’objet de peu d’attention de la part de la Commission de Venise qui ne semblait aborder le sujet que dans un paragraphe de «la liste des critères de l’État de droit » déjà cité[78]. On peut imaginer que la Commission ne souhaite pas s’attaquer à une telle « tradition », ce qui irait d’ailleurs à l’encontre des efforts accomplis jusqu’à présent pour dégager une notion de l’État de droit inclusive, pourtant le formalisme judiciaire peut être vu comme un des composants de la « crise de l’État de droit » constaté en Pologne et en Hongrie. Le bras de fer politique auquel se livre le gouvernement et les organisations européennes n’est au final que la partie visible de l’iceberg, cachant un problème différent échappant au contrôle ou à la surveillance des organes du Conseil de l’Europe. Aux efforts constants de délimitation et de précision de la notion (que cela soit par la Cour ou bien la Commission de Venise) doit s’ajouter un contrôle de son application, sans quoi l’État de droit risque dans ces pays de voir sa portée restée limitée.
Comme le disait le poète grec Aristophane, « C’est de leurs ennemis, et non pas de leurs amis, que les villes ont appris à bâtir de hautes murailles »[79]. Il semblerait alors opportun que cette « crise » permette à la Commission de Venise de porter son regard sur cet élément qui, bien que participant au problème, fait l’objet de peu d’attention.
[1] Citation du ministre de la Justice hongrois Laszlo Trocsanyi tiré de l’interview donné dans l’émission « Ici l’Europe » du 12 février 2018.
[2] GAUTHIER Catherine, PLATON Sébastien, SZYMCZAK David, « Droit européen des droits de l’Homme », éd Dalloz, 2017, p.8
[3] CARRÉ de MALBERG Raymond, « Contribution à la théorie générale de l’État », Paris, Sirey, 1920 et 1922, réimpr. cnrs, 1962, 2 vol.
[4] CHEVALLIER Jacques, « L’État de droit », edition Montchrestien, 3eme édition, 1999, p.151.
[5] CHEVALLIER Jacques, « L’État de droit », op.cit. p.22.
[6] Notamment VON MOHL Robert, « Die Polizei-Wissenschaft nach den Grundsätzen des Rechtsstaats », H.Laupp, 1832, 610p.
[7] DICEY Albert Venn, « Introduction to the study of the law of the Constitution », 1885.
[8] Sur la prohibition de l’arbitraire, voir WASCHMANN Patrick, « La prééminence du droit dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », in Le droit des organisations internationales, Mélanges J.Schwob, Bruylant, 1997, p.241.
[9] Statut du Conseil de l’Europe, référence STE n°001, 3 août 1949, article 1 para a. « Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun »
[10] À titre d’exemple, Cour EDH, Golder c. Royaume-Uni, 21 février 1975, req n°4451/70, para 34 ; Cour EDH, Brumărescu c. Roumanie, 28 octobre 1999, req n°28342/95, para 61.
[11] L’on retrouve ainsi « possédant un patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit » ; « ein gemeinsames Erbe an politischen Überlieferungen, Idealen, Achtung der Freiheit und Rechtsstaatlichkeit » et « a common heritage of political traditions, ideals, freedom and the rule of law »
[12] Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), « Conference on the rule of law as a practical concept », Lancaster House, Londres, 2 mars 2012.
[13] On la retrouve dans le rapport de la Commission EDH, affaire Grèce c. Royaume-Uni, 26 septembre 1958, req n°176/56
[14] Cour EDH, Golder c. Royaume-Uni, op.cit, para 34
[15] GRABARCZYK-BLAY Katarzyna , « Les principes généraux dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », PUAM, 2008, 558p.
[16] Cour EDH, Engel et autres c. Pays Bas, 8 Juin 1976, req n°5100/71, para 69
[17] Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 Décembre 1994, req n°13427/87, para 46 et 49
[18] Amuur c. France, 25 Juin 1996, req n°19776/92, para 50 ; Stafford c. Royaume-Uni, 28 Mai 2002, req n°46295/99, para 63
[19] Cour EDH, Golder c. Royaume-Uni, op.cit, para 34
[20] Cour EDH, Iatridis c. Grèce, 25 mars 1999, req n°31107/96, para 58 ; Karacsony et autres c. Hongrie, 17 Mai 2016, req n°42461/13 et 44357/13, où sur 4 références à la prééminence seule celle au para 147 renvoie au Préambule tandis que les autres aux para 141 et 156 renvoient à des jurisprudences antérieures
[21] Cour EDH, Golder c. Royaume-Uni, op.cit, para 37 ; Cour EDH, Amuur c. France, op.cit, para 50 ; Cour EDH, Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, req n°18357/91, para 40.
[22] Entre autres exemples, Golder c. Royaume-Uni, op.cit, para 34 ; Salabiaku c. France, 7 octobre 1988, req n°10519/83 para 28 ; Brumanescu c. Roumanie, op.cit, para 61 ; Roche c. Royaume-Uni, 19 octobre 2005, req n°32555/96, para 116.
[23] SOUVIGNET Xavier « La prééminence du droit dans le droit de la convention européenne des droits de l’homme » , para 126-135; GRABARCZYK-BLAY Katarzyna, « Les principes généraux dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », op.cit. Para 559-560.
[24] Cour EDH, Sporrong et Lönnroth c. Suède, 23 septembre 1982, req n°7151/75 et 7152/75, para 42 et 72
[25] Cour EDH, Castells c. Espagne, 23 avril 1992, req n°11798/85, para 43
[26] Cour EDH, Păduraru c. Roumanie, 1er décembre 2005, req n°63252/00, para 98 ; Cour EDH, Nejdet Şahin and Perihan Şahin c. Turquie, 20 octobre 2011, req n°13279/05, para 57
[27] Cour EDH, Baranowski c. Pologne, 28 Mars 2000, req n°28358/95, para 56
[28] Contenu qui peut d’ailleurs, d’un arrêt à l’autre, relever de la notion d’État de droit ou alors d’une autre notion. Par exemple Dans l’arrêt Castells c Espagne précité, au paragraphe 43, il est fait référence au « rôle éminent de la presse dans un État de droit ». Cependant, dans l’arrêt Haes et Gijsels c. Belgique du 24 fevrier 1997, au paragraphe 37, « La Cour rappelle que la presse joue un rôle essentiel dans une société démocratique » tandis que « l’action des tribunaux, qui sont garants de la justice et dont la mission est fondamentale dans un État de droit ». Enfin dans l’arrêt Kuliś et Różycki c. Pologne du 6 octobre 2009, au paragraphe 30, la Cour revient au « rôle éminent de la presse dans un État de droit ».
[29] Cour EDH, Pini et autres c. Roumanie, 22 Juin 2004, req n°78028/01 et 78030/01, para 187 ; ; Cour EDH, Kafkaris c. Chypre, 12 Février 2008, req n°21906/04, opinion partiellement dissidente du juge Borrego borrego para 12
[30] Cour EDH, Lelièvre c. Belgique, 8 Novembre 2007, req n°11287/03, para 104
[31] Cour EDH, Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne, 22 Mars 2001, req n°34044/96, 35532/97 et 44801/98, para 82
[32] HUSSON-ROCHCONGAR Céline, « La redéfinition permanente de l’État de droit par la Cour européenne des droits de l’homme », Civitas Europa, vol. 37, no. 2, 2016, pp. 183-220
[33] Comité des ministres, Résolution Res(2002)12 établissant la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), 18 septembre 2002
[34] Résolution (2002) 3 du Comité des ministres: Statut révisé de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, 21 février 2002, art 1 para 1
[35] Troisième Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement du Conseil de l’Europe, Déclaration de Varsovie article 1 « Le Conseil de l’Europe s’attachera à sa mission essentielle qui est de préserver et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. », Varsovie, 16-17 mai 2005
[36] Commission de Venise, « Rapport sur la prééminence du droit », Étude n°512/2009, 28 mars 2011, 17p. ; Commission de Venise « Liste des critères de l’État de Droit », Étude n°711/2013, 18 mars 2016, 54p.
[37] Commission de Venise « Rapport sur la prééminence du droit », op. cit. Para 41
[38] Commission de Venise « Liste des critères de l’État de Droit », op.cit. Para 19
[39] Commission de Venise « Liste des critères de l’État de Droit », op.cit. Para 9 « Le principe de l’État de droit (aussi dit « prééminence du droit ») » ; para 19 cité précédemment où la Commission de Venise considère que le rapport de 2011 (« rapport sur la prééminence du droit ») devait éclaircir la notion d’État de droit.
[40] Voir par exemple, SOUVIGNET Xavier, « La prééminence du droit dans le droit de la convention européenne des droits de l’homme » op.cit. p80-88, où l’auteur montre la manière dont la Cour EDH ou la Commission EDH se positionnèrent par rapport aux arguments des parties basés sur les conceptions nationales de la notion de prééminence du droit.
[41] Commission de Venise, « Rapport sur la prééminence du droit » op.cit. Para 70
[42] Article 1 § 3 de la Constitution roumaine « La Roumanie est un État de droit, démocratique et social »
[43] Constitution tchèque, Préambule « Resolved to abide by all proven principles of a state governed by the rule of law » ; Article 1 paragraphe 1 « The Czech Republic is a sovereign, unitary, and democratic state governed by the rule of law » ; article 9 « Any changes in the essential requirements for a democratic state governed by the rule of law are impermissible »
[44] Constitution bulgare, Préambule « a democratic and social state, governed by the rule of law » ; article 4 « The Republic of Bulgaria shall be a State governed by the rule of law »
[45] Loi Fondamentale hongroise, article B paragraphe 1 « Hungary shall be an independent, democratic rule-of-law State » ; article U paragraphe 1 « The form of government based on the rule of law »
[46] Article 2 de la Constitution polonaise «demokratycznym państwem prawnym »
[47] Article 1 paragraphe 3 de la Constitution roumaine précité
[48] CHEVALLIER Jacques, op.cit.
[49] CSERNE Péter, « Discourses on Judicial Formalism in Central and Eastern Europe: Symptom of an Inferiority Complex? », participation à la conférence « Trauma Management, Search for Identity, Self-Images and Otherness in East Central Europe and Beyond » à Academia Europa, Budapest, 4 septembre 2017.
[50] pour deux exemples de discours possible voir Peter Cserne, op.cit. p.3
[51] voir MATCZAK Marcin, BENCZE Matyas and KÜHN Zdenek, « EU Law and Judicial Strategies in the Czech Republic, Hungary and Poland », Journal of Public Policy, Vol. 30, No. 1, 2010, pp. 81-99.
[52] Cour EDH, Karacsony et al. c. Hongrie, 17 mai 2016, req n°44357/13.
[53] Cour EDH Baka c. Hongrie, 23 Juin 2016, req n°20261/12.
[54] Commission de Venise, Avis 904/2017, 11 décembre 2017, pp. 26-27
[55] Commission de Venise, Avis 892/2017, 11 décembre 2017, 28p.
[56] Commission de Venise, Avis 904/2017, op.cit. pp.11-12.
[57] Commission de Venise, Avis 621/2011, 20 Juin 2011, 29p.
[58] En plus des avis de la Commission de Venise cités dans cet article on peut mentionner la procédure de l’article 7 TUE au niveau de l’Union européenne. Également, le Hungarian Helsinki Committee et le Eötvös Károly Institute publient souvent sur le sujet de l’État de droit en Hongrie. Le Komitet Obrony Demokracji formé en 2015 est aussi à l’origine d’actions en Pologne pour notamment la défense de l’État de droit. Enfin on peut aussi citer en Pologne une lettre ouverte, en avril 2016, condamnant les actions du gouvernement et signée par trois anciens président de la République (Lech Wałęsa, Aleksander Kwasniewski et Bronislaw Komorowski) et des politiques et activistes et l’opposition.
[59] Notamment « Loi du 12 juillet 2017 modifiant la loi – Loi sur le système judiciaire commun et certains autres actes » et « Loi du 8 décembre 2017 modifiant la loi sur le Conseil national de la magistrature et certains autres actes » (traduit du polonais).
[60] MATCZAK Marcin, « The Strength of the Attack or the Weakness of the Defence? Poland’s Rule of Law Crisis and Legal Formalism », 10 Février 2018, 17p, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3121611
[61] Pour d’autres travaux sur le sujet, voir par exemple MATCZAK Marcin ; KÜHN Zdenek ; MAŃKO Rafał ou encore CSERNE Péter.
[62] MATCZAK Marcin, BENCZE Matyas and KÜHN Zdenek op.cit, p.90.
[63] Voir SÓLYOM László, « The Rise and Decline of Constitutional Culture in Hungary » in Armin von Bogdandy, Pál Sonnevend (ed.) Constitutional crisis in the European constitutional area, 2015, pp 14–45.
[64] Les juges à la Cour constitutionnelle sont désormais nommés par un comité composé de représentants des groupes parlementaires. Le nombre de représentants se fait proportionnellement à la taille du groupe au sein du parlement.
[65] Le nombre de juge est passé de 11 à 15 et la durée de leur mandat a été augmenté de 9 à 12 ans.
[66] L’élection du président de la Cour constitutionnelle revient désormais au Parlement, par un vote à la majorité absolue, également le mandat du président a été étendue et correspond désormais à la durée de son mandat.
[67] Etude du Eötvös Károly Institute, du Hungarian Civil Liberties Union et du Hungarian Helsinki Committee,
« analysis of the performance of hungary’s “one-party elected” constitutional court judges between 2011 and 2014 » executive summary, 25 Mars 2015, 9p.
[68] Le 3 Décembre la Cour constitutionnel jugea que trois des nominations faites par l’ancien parlement étaient valide tandis que les deux dernières furent jugées illégales (concernant les juges dont le mandat se terminaient en Décembre). Le Président de la République refusa de reconnaître les trois juges de l’opposition, en réponse de quoi le Président de la Cour constitutionnelle ne reconnut que les deux juges nommés par PiS.
[69] Ainsi le 22 Décembre 2015 le Parlement vota afin d’introduire la majorité qualifiée au sein de la Cour constitutionnelle, avec la participation obligatoire d’au moins 13 juges sur 15. Le 9 Mars 2016 la Cour constitutionnelle jugea le texte inconstitutionnel, jugement que le gouvernement refusa de publier. Le même schéma se reproduit lorsqu’en Juillet 2016 le Parlement vote pour enlever les modifications apportées précédemment, en échange de quoi le Président de la Cour devait reconnaître les trois juges nommés par PiS.
[70] Après la résignation de Andrzej Wróbel, la fin du mandat de Stanisław Biernat et la mort de Lech Morawski et de Henryk Ciocha.
[71] A ce sujet on peut citer Wiktor Osiatyński qui, donnant une définition des démocraties illibérales et populistes, considérait qu’une caractéristique commune à ces régimes était la « conviction shared by their leaders that electoral victory gives them unlimited power. Many of them have attempted to weaken the separation of powers and have sought to control all independent institutions, including the judiciary », « Human Rights and Their Limits », in Cambridge University Press, 2009.
[72] Le bureau du Procureur Général (procureur général qui se trouve être le ministre de la justice polonais) a ainsi demandé au juge Igor Tuleya de retirer une question préjudicielle adressé à la Cour de justice de l’Union Européenne. Aujourd’hui ce même juge, ainsi que d’autre de ses confrères, risquent de faire face à des sanctions disciplinaires.
[73] C’est ainsi une triste ironie du sort que la tradition formaliste se retrouve à empêcher les juges de lutter contre les actions du politiques, cette tradition s’étant développée à l’époque soviétique afin d’assurer aux juges que le politique resterait en dehors du judiciaire en enlevant toute référence à des principes et idéologies extérieures à la loi.
[74] Commission de Venise, « liste des critères de l’État de droit » op.cit. para 15.
[75] Commission de Venise, Ibidem
[76] Commission de Venise, « liste des critères de l’État de droit » op.cit. para 18.
[77] Commission de Venise, Conférence sur « the rule of law as a practical concept », op.cit. p.19
[78] Ainsi l’article 42 de l’étude relève que « La présence (ou l’absence) d’une culture politique et juridique commune au sein d’une société, et les rapports entre la culture et l’ordre juridique aident à déterminer la mesure dans laquelle il est nécessaire que les composantes de l’État de droit soient explicitement consignées dans la loi, et avec quel niveau de détail »
[79] Aristophane, « Les oiseaux », traduction française d’André Charles Brotier, édition Garnier, 1889, p.31.