Le contrôle in concreto est-il un jugement en équité ?
Première contribution publiée dans le cadre du dossier n°7 de la RDLF consacré à la reconfiguration de l’office du juge de la conventionnalité de la loi. Les contempteurs du contrôle de conventionnalité in concreto opèrent souvent un rapprochement avec l’équité. Alice Lassale s’attache à évaluer la pertinence de ce rapprochement.
Alice Lassale, Équipe de Droit public de Lyon – Université Jean Moulin, Lyon III, CERCRID-UMR 51-37 – Université Jean-Monnet Saint-Étienne
La concrétisation de leur office par les juges de la loi serait, à en croire un certain nombre d’auteurs, la manifestation contemporaine d’un véritable « retour en grâce du jugement selon l’équité » pour reprendre le phrasé de Jacques Moury[1]. Ainsi, dans l’ordonnance de référé Gonzalez-Gomez, le Conseil d’État consacrerait-il une « solution qui, sous un habillage, relève de l’équité »[2].
Afin de déterminer si ces deux phénomènes sont si imbriqués qu’ils s’identifient l’un à l’autre, il faut avant tout s’entendre sur les termes. Or, une première difficulté intervient puisque les expressions de « jugement en équité » et de « contrôle in concreto de la loi » font l’objet de conceptions variées. Largement entendu, le jugement en équité serait le résultat d’un raisonnement téléologique du juge qui se fonde sur la « solution la plus acceptable »[3] en fait, pour induire la règle ou la combinaison de règles de droit permettant d’y parvenir. Partant, si le juge n’y applique pas strictement les termes de la loi, il ne s’affranchit pas pour autant de l’esprit du droit positif. Plus strictement entendu, le jugement en équité peut se définir comme une « manière de résoudre les litiges en dehors des règles du droit »[4] par référence exclusive au sentiment de juste du juge, dans chaque cas particulier. Pareille décision s’assimilerait, non pas à du droit, mais à du « romantisme »[5] et conduirait à la mise en place d’un « système de jurisprudence de pur sentiment »[6]. Les privatistes distinguent à cet égard deux catégories de jugements : le jugement d’équité d’une part et le jugement en équité d’autre part[7]. La distinction peut paraître malaisée mais se comprend à l’aune des fonctions de l’équité. En effet, le jugement d’équité fait référence à la fonction supplétive de cette notion, celle qui comble mais ne contredit pas le droit. Tandis que le second fait référence à la fonction correctrice de l’équité, celle qui permet au juge de rendre une solution qu’il estime juste, en soustrayant la résolution du litige au respect scrupuleux du droit. Certaines décisions du « bon juge » Magnaud constitueraient l’archétype des jugements en équité dès lors que sa méthode avait « pour conséquence dernière d’affranchir le juge du respect du droit »[8]. À cet égard, notons que les critiques se cristallisant autour du contrôle in concreto sont celles qui visaient les jugements en équité entendus selon cette deuxième acception. Il est principalement reproché aux juges de faire prévaloir leurs vues de l’équité sur celles du législateur. Certains auteurs avaient pourtant averti que le « « cas Magnaud », s’il fait exception dans une culture politique centrée sur la légalité, est annonciateur de la métamorphose contemporaine du juge »[9]. C’est donc bien à cette seconde signification des jugements en équité qu’est assimilé le contrôle in concreto de la conventionnalité de la loi. Cette expression semble a priori simple à saisir. De manière générale on peut dire que le contrôle concret est celui qui « intègre le fait »[10]. Plus précisément, cet instrument peut être défini comme l’examen, par le juge, de la compatibilité, à une norme internationale, de l’application de la loi aux circonstances d’une espèce donnée[11]. Négativement, le contrôle in concreto n’est pas le contrôle in abstrato de la conventionnalité de la loi qu’il complète. Cette nouvelle modalité de contrôle de conventionnalité a été explicitement consacrée par la Cour de cassation en 2013[12] et par le Conseil d’État en 2016[13]. Par ces décisions, « le contrôle de validité de la loi a donc été complété par un contrôle de son application valide »[14] ou de son « applicabilité »[15]. En dépit de cette apparente simplicité, certains auteurs ne manquent pas de relever que la notion de contrôle in concreto est « marquée du sceau de la polysémie et de l’ambivalence »[16]. En effet, ce contrôle de la conventionnalité, aux modalités spécifiques, ne doit pas être confondu avec celui de proportionnalité[17] et ce malgré l’ambiguïté conceptuelle entretenue par les juridictions elles-mêmes. Le contrôle concret n’est que « l’une des modalités possibles » du contrôle de proportionnalité[18] sans être le « seul lieu d’exercice de cette méthode »[19]. Par ailleurs, ce contrôle in concreto fait l’objet de plusieurs conceptions qui mettent respectivement l’accent sur son objet (la loi), sur les éléments de référence pris en compte par le juge (les faits) ou encore ses effets. C’est lorsque la définition se focalise sur ses conséquences que s’installe la confusion entre ce contrôle in concreto et le jugement en équité, en ce sens qu’ils peuvent, tous deux, conduire le juge à écarter l’application de la loi dans un cas particulier. À cet égard, Pascale Deumier relève que « le rapprochement entre contrôle concret et équité est délicat lorsqu’il assimile cette forme de contrôle à une décision qui, n’étant pas fondée sur la loi, serait ipso facto rendue en équité »[20]. Dès lors, il s’agira de comprendre les raisons qui peuvent conduire à faire l’amalgame entre ces décisions mettant en œuvre le contrôle in concreto de la loi et les jugements en équité, stricto sensu.
Pour saisir en quoi consiste cette nouvelle modalité de contrôle de conventionnalité de la loi et si elle peut s’assimiler à un retour du jugement en équité, il est indispensable de revenir aux décisions qui l’ont explicité. Notre étude se concentrera sur la jurisprudence administrative mais ne peut pas faire l’économie d’un détour par la décision de la Cour de cassation rendue en 2013, soit trois ans avant l’ordonnance Gonzalez-Gomez de 2016. La Cour de cassation, par son arrêt du 4 décembre 2013, a décidé que l’annulation du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille constituait, à l’égard de cette dernière, une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale normale, garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Pour rappel, Mme Denise X avait épousé le père de son ex-mari. Le couple avait vécu son union, « sans opposition »[21], pendant plus de vingt ans, jusqu’à la mort de l’époux. Suite à cet évènement, le fils et ex-conjoint de Mme X intenta une action en justice tendant à faire reconnaître la nullité de cette alliance sur le fondement de l’article 161 du Code civil qui prohibe le mariage entre alliés. Les juges du fond firent droit à sa demande. En revanche, la première chambre civile cassa et annula l’arrêt ayant prononcé l’annulation de ce mariage, en écartant, pour cette espèce, l’interdiction posée par la loi française. La méthode suivie par les juges n’est détaillée ni dans la motivation laconique de l’arrêt, ni dans le communiqué publié sur le site de la Cour où l’on apprend principalement que « les circonstances de fait ont joué un rôle déterminant dans cette affaire » et qu’ « en raison de son fondement, la portée de cette décision est limitée au cas particulier examiné. Le principe de la prohibition du mariage entre alliés n’est pas remis en question »[22]. À son tour et fort de l’audace de son homologue judiciaire, le Conseil d’État a ostensiblement concrétisé son office de juge de la loi[23] dans l’ordonnance de référé Gonzalez-Gomez rendue en Assemblée le 31 mai 2016[24]. Les circonstances de l’affaire étaient si particulières qu’elles ne pouvaient appeler une réponse juridiquement rigoureuse. En effet, Mme Gonzalez-Gomez et M. Turri, avant que ce dernier ne tombe gravement malade, projetaient d’avoir un enfant. Tragiquement, M. Turri décéda peu après avoir pu épouser sa compagne et déposer ses gamètes à l’Assistance publique, hôpitaux de Paris (AP-HP). Mais cette institution, ainsi que l’Agence de Biomédecine, refusa à sa veuve le transfert des gamètes vers l’Espagne, son pays d’origine, aux fins qu’elle procède à une procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem. Suite au rejet de sa requête en référé-liberté, par le Tribunal administratif de Paris, Mme Gonzalez-Gomez saisit, en appel, le Conseil d’État aux fins qu’il enjoigne ces deux organismes de prendre les mesures nécessaires pour faire procéder au transfert des gamètes. Si l’urgence fut aisément caractérisée dès lors que la loi espagnole limitait le délai pour une PMA post-mortem à douze mois après le décès du donneur, deux autres problèmes se posaient. Le premier, touchant à la recevabilité de la requête, concernait la difficulté à caractériser une « atteinte manifestement illégale » au droit de mener une vie privée et familiale[25]. En effet, le refus opposé par les deux institutions, dans un domaine où elles ne disposaient d’aucun pouvoir discrétionnaire, était juridiquement fondé sur une application non erronée des dispositions du Code de la santé publique qui interdisent la PMA post-mortem ou le transfert de gamètes à l’étranger dans ce but. Le deuxième problème était afférent à l’office du juge des référés. En effet, ce dernier n’ayant jamais franchi le Rubicon du contrôle de conventionnalité de la loi (sauf pour le droit de l’Union européenne), l’invocation d’une violation de l’article 8 de la CEDH aurait dû être jugée irrecevable. Le Conseil d’État, suivant en tous points les conclusions de son rapporteur public, a fait d’une pierre deux coups. À ce deuxième problème, il a répondu en réformant l’office du juge des référés afin de lui permettre de contrôler la conformité de la loi au regard des stipulations invoquées, par un revirement de la jurisprudence Carminati[26]. Il a ainsi pu dépasser la deuxième difficulté en considérant que si la loi était abstraitement conforme au droit de mener une vie privée et familiale normale, son application lui portait, in concreto, une atteinte disproportionnée. In fine, ce raisonnement a permis au Conseil d’État de trancher le litige en faveur de la requérante. Les décisions de la Cour de Cassation et du Conseil d’État sont décrites, par les membres des juridictions, comme des évolutions rendues nécessaires par le système du Conseil de l’Europe et en particulier la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Selon certains auteurs, elles seraient plus largement motivées par des « considérations stratégiques » des juges de la loi, conscients de se trouver en concurrence les uns avec les autres[27]. Pour le dire autrement, les juges internes s’inscriraient dans une logique de compétitivité induite par la mission, désormais commune, de protection effective des droits et libertés fondamentaux. Force est alors de constater que la « concrétisation de leur office » par les juges de la loi est un phénomène « global »[28] au sens où toutes les juridictions, constitutionnelles et ordinaires, nationales et supranationales, s’alignent sur ce standard de contrôle. En attestent, par exemple, les conclusions de Nicolas Boulouis, sur deux décisions rendues par le Conseil d’État en 2010 qui procédaient à un contrôle concret de la loi sans en faire mention, dans lesquelles il faisait le parallèle avec la « distinction faite par la Cour suprême des États-Unis entre les cas de nullité relative et ceux de nullité absolue de la loi »[29]. Concernant le juge administratif français, il semble donc que ce processus soit le fruit – et même l’aboutissement – de la subjectivisation du contentieux et plus largement du renouvellement de son office[30]. À ce titre, Marie-Luce Pavia affirmait déjà en 2003, à propos des fonctions de référés, qu’elles tendaient « à faire du juge du fait et de l’urgence le juge de droit commun de l’équité » [31]. Ce processus de concrétisation de son office par le juge administratif comporte de nombreux enjeux, il « interroge par exemple l’équilibre des pouvoirs entre le juge et la loi […] et l’influence respective de l’égalité et de l’équité dans la mise en œuvre de la loi »[32]. En effet, la critique principale, faite tant au contrôle in concreto qu’aux jugements en équité, est que le juge se placerait au-dessus de la loi en se donnant à lui-même un titre pour écarter, dans certaines circonstances particulières, l’application de cette dernière. Avec cette nouvelle modalité de contrôle de conventionnalité, les juges sont, comme à la veille de la Révolution, accusés d’activisme, de subjectivisme et de défiance envers la loi voire d’arbitraire. La crainte dominante est qu’ils mettent en péril le principe d’égalité devant la loi ainsi que la prévisibilité du droit c’est-à-dire la sécurité juridique, comme lorsque les Parlements de l’Ancien Régime jugeaient au nom de l’équité.
Pour déterminer le bien-fondé de ces critiques, reposant toutes sur la confusion opérée entre le jugement en équité et cette nouvelle modalité de contrôle de la loi, il semble pertinent de se demander si la concrétisation de l’office du juge administratif l’érige véritablement en juge de l’équité, c’est-à-dire en législateur du cas particulier. Autrement dit, le contrôle de conventionnalité in concreto permet-il désormais au juge administratif de rendre des décisions en équité ?
L’affirmation, assez incontestable, selon laquelle il existe un lien entre ces instruments, ne doit pas nécessairement conduire à identifier le contrôle in concreto au jugement en équité du XXIème siècle. Là est toute la controverse (I). En effet, il ressort d’une analyse approfondie de la jurisprudence administrative que si le contrôle in concreto relève bien de cette logique, il est tout au mieux un instrument d’équité à la disposition du juge. Dès lors, ce contrôle concret ne saurait être considéré comme « le seul lieu d’exercice »[33] de l’équité qui est une notion dont l’influence, sur le juge administratif, dépasse largement le cadre de l’examen de la conventionnalité d’une loi. Dans cette perspective, toute assimilation de l’un à l’autre apparaît contestable sinon excessive (II). Il semble donc important de faire le point sur cette question du rapport entre contrôle concret et jugement en équité « afin d’éviter que ses contempteurs, trop heureux de jeter le bébé avec l’eau du bain, n’amalgament contrôle de proportionnalité, jugement en équité… et arbitraire »[34].
I. La nature controversée du lien entre le contrôle in concreto et le jugement en équité
« La loi vivante n’est plus celle du législateur »[35], voilà qui résume bien la controverse qui se noue actuellement autour du contrôle in concreto de la loi comme elle le fut autour du jugement en équité (A). En effet, dans les deux cas, la difficulté réside dans l’idée que le juge s’érigerait en législateur du cas particulier dès lors qu’il déciderait, seul, quelle règle appliquer ou écarter pour statuer sur le litige dont il est saisi. Afin d’éviter certains pièges et confusions, il devient alors nécessaire de saisir la nature du lien qui existe entre ces modalités de jugement. Cette démarche passera notamment par une comparaison de la mise en œuvre de ce nouvel outil avec celle d’un instrument d’équité plus ancien : la création d’un principe général du droit (B).
A. Une controverse relevant principalement de la doctrine privatiste
À la lecture des articles de doctrine sur le contrôle in concreto de la loi, force est de constater une divergence dans le traitement de ce sujet entre les auteurs publicistes et privatistes. Très schématiquement, les premiers sont relativement bienveillants à l’égard de la concrétisation de l’office du juge[36] alors que les seconds, relativement critiques, vont même jusqu’à suspecter le retour de la pratique tant décriée des jugements en équité des Parlements de l’Ancien régime[37]. Ce constat s’explique, en partie, par la façon dont les membres des juridictions présentent eux-mêmes cette évolution.
En effet, le Premier président de la Cour de cassation, Bertrand Louvel, a pu qualifier la décision de la première chambre civile rendue en 2013 « d’arrêt véritablement refondateur » des méthodes que le juge va employer pour s’inscrire dans une « nouvelle logique ». Il poursuivait, « là où le juge français était habitué à user de l’aphorisme « la loi, toute la loi, rien que la loi », la CEDH répond : oui, à condition que le résultat soit équitable, c’est-à-dire que l’application de la loi soit adaptée aux circonstances de l’espèce, nécessaire en raison de ces circonstances, et proportionnée à ces circonstances. Jus id quod justum est : « le droit, c’est ce qui est juste », dit la doctrine naturaliste »[38]. Il n’est sûrement pas très surprenant, dès lors, que certains privatistes, comme le Professeur Cadiet, se soient demandés, de manière presque rhétorique, si le contrôle opéré par la Cour était devenu « une autre manière, contemporaine, de nommer le jugement d’équité »[39]. Ni que certains autres aient répondu que la décision rendue par la première chambre civile en 2013 était un « arrêt en équité » [40] voire « un stratagème qui est de nature à émanciper le juge de la tutelle de la loi et à lui permettre de revenir au pouvoir qui lui était reconnu sous l’ancien droit de statuer en équité »[41]. Pour la majorité des privatistes « cette éviction (de la loi) se fait (…) en vertu d’une technique qui paraît à beaucoup sinon fort approximative, du moins aussi arbitraire que le recours à l’équité des anciens jugements, de sorte que l’on peut être tenté de qualifier le contrôle de proportionnalité de contrôle de l’opportunité »[42]. Ce mouvement de fond, par lequel la Cour de cassation se reconnaît le pouvoir de contrôler la loi in concreto est qualifié d’« auto-réforme », de « contre-révolution tranquille » voire de « régression aristocratique » déguisée en « avancée démocratique »[43]. Tant est si bien que, « sous couvert de modernité », la Cour de cassation reviendrait « à la pratique des Parlements d’Ancien régime »[44]. Ces auteurs mettent en garde contre les « dangers de l’équité au nom des droits de l’Homme »[45] ou insistent sur le « coup décisif » qui vient d’être porté « à la manière positiviste de penser le droit, qui était dominante depuis la codification, et fait entrer résolument dans l’ère post-positive »[46]. Les critiques qui se sont cristallisées autour de la décision de la Cour de cassation ont été anticipées et partiellement évitées par le Conseil d’État, même si le professeur Marguénaud, perçoit dans l’ordonnance Gonzalez-Gomez le « ferment » d’une « révolution tranquille au Conseil d’État »[47]. Et que, d’une manière plus mesurée, le Professeur Fulchiron se demande si elle est la mise en œuvre d’un « contrôle de proportionnalité »[48] ou une « décision en équité »[49].
L’ordonnance Gonzalez-Gomez semble avoir été mieux reçue chez les publicistes, parmi lesquels il est même possible d’identifier des promoteurs du contrôle concret. En ce sens, à ceux qui dénoncent l’inutilité de cette technique, le Professeur Dupré de Boulois réplique que « le contrôle in abstracto, parce qu’il amène le juge à appréhender la norme dans sa seule dimension générale et impersonnelle, ne permet pas de saisir l’ensemble des différentes situations concrètes qui entrent dans son champ d’application. L’intérêt du contrôle in concreto est justement de réintégrer les faits dans l’appréciation de la conventionnalité ou, plus concrètement, de saisir la norme au stade de son application en tenant compte des données du litige. Pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Marguénaud, il permet de « rendre flexible la loi d’airain républicaine » »[50]. De leur côté, Julien Bonnet et Agnès Roblot-Troizier ont pu affirmer que « la défense de valeurs comme la justice, l’équité […] explique les choix jurisprudentiels, et en particulier celui de la concrétisation »[51] mais selon eux, là n’est pas la cause première de ce changement[52]. De fait, la majeure partie de la doctrine publiciste a perçu la concrétisation de son office par le juge une évolution naturelle de ses pouvoirs en matière de contrôle de conventionnalité de la loi[53], à l’exception du Professeur Delvolvé. Selon ce dernier, « en écartant la loi « eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire », le Conseil d’État s’est comporté comme le bon juge Magnaud […] sous l’apparence d’une argumentation juridique » [54]. Pourtant, dans ses conclusions sur l’Ordonnance Gonzalez-Gomez[55], Aurélie Bretonneau se défendait de conduire la formation de jugement à « renoncer à la prudence » ou, pire encore, de proposer une solution en « équité » et de l’« habiller… de son nécessaire vêtement juridique »[56]. Elle affirmait plutôt la déférence du juge administratif à l’égard du législateur. Mais les mots ont du sens, le législateur n’est pas la loi. C’est ce qu’explicite le rapporteur public lorsqu’elle clôt ses conclusions, à la manière d’Aristote, sur « l’affirmation que le législateur français, tout fondé qu’il est à régler le sort des personnes qui se trouvent sous sa juridiction, y compris en entendant, au nom du principe de bienveillance, faire leur bien parfois malgré elles, ne peut pas être réputé avoir entendu régir des situations qui, par la force des circonstances, lui échappent désormais complètement » [57]. Cette conception sous-tend que le juge peut, au nom de la garantie des droits et libertés fondamentaux, écarter l’application de la loi, acte faillible, tout en respectant la volonté de son auteur, lui infaillible : le législateur. C’est bien cette vision qu’avait proposée le premier théoricien de l’équité lorsqu’il expliquait que « la nature de l’équitable, c’est d’être un correctif de la loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité »[58]. Pour reformuler la pensée du philosophe grec, « la justice est foncièrement particulière et nécessite un ajustement à l’espèce de ce qui se dégage de la loi. Seul cet ajustement permet de rétablir la proportion entre les intérêts »[59].
Dans la décision Gonzalez-Gomez, le Conseil d’État a procédé à cette pondération in concreto des intérêts et la balance a penché en faveur de la requérante. Cela a conduit l’Assemblée du contentieux à écarter l’application de la loi pour la résolution du cas. Si la relation qui existe entre le contrôle concret et l’équité est alors incontestable, il reste à en déterminer la nature.
B. Une évidente corrélation entre l’équité et le contrôle concret
En dépit des divergences exposées plus avant, il apparaît, à la lecture des discours doctrinaux et juridictionnels, qu’un incontestable lien se noue entre l’équité et le contrôle in concreto. Cependant, il s’agit d’un rapport de corrélation plutôt que d’identité entre ces deux éléments qui ne jouent pas sur le même plan, l’un constituant la finalité (l’équité) et l’autre la méthode (contrôle concret).
Pour appuyer notre propos, il nous semble intéressant d’opérer une comparaison entre deux décisions qui, tout en étant subrepticement motivées par un objectif d’équité, n’emploient pas exactement la même méthode et surtout, n’aboutissent pas au même résultat. En matière de contrôle in concreto, l’ordonnance de référé de 2016 Gonzalez-Gomez[60] ainsi que les conclusions d’Aurélie Bretonneau[61], offrent de nombreux indices sur la mise en œuvre de ce nouveau pouvoir par le juge administratif. Dans l’ordonnance, la juridiction a clairement procédé en deux temps visuellement distingués. Dans le point 8, elle a affirmé la « compatibilité » in abstracto de l’interdiction posée par la combinaison des articles L. 2141-2 et L. 2141-11-1 du Code de la santé publique avec les stipulations de l’article 8 de la CEDH, en s’appuyant notamment sur la marge d’appréciation laissée, sur ce point, à chaque État, par la Cour de Strasbourg. Mais, dans le point suivant (point 9), elle a ajouté que le constat de la validité de la loi au regard de la Convention « ne fait pas obstacle à ce que, dans certaines circonstances particulières, l’application de dispositions législatives puisse constituer une ingérence disproportionnée dans les droits garantis par cette convention. Il appartient par conséquent au juge d’apprécier concrètement si, au regard des finalités des dispositions législatives en cause, l’atteinte aux droits et libertés protégés par la convention qui résulte de la mise en œuvre de dispositions, par elles-mêmes compatibles avec celle-ci, n’est pas excessive ». Dans cette espèce, l’Assemblée a jugé excessive l’atteinte concrète portée au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale, notamment en raison de l’absence d’intention frauduleuse de cette dernière. Elle a donc écarté l’interdiction posée par la loi française pour accueillir positivement la requête de Mme Gonzalez-Gomez en enjoignant l’AP-HP et l’Agence de Biomédecine « de prendre toutes mesures afin de permettre l’exportation des gamètes litigieux vers un établissement de santé espagnol autorisé à pratiquer les procréations médicalement assistées, dans un délai de sept jours à compter de la notification de la présente décision ». De même, les conclusions du rapporteur public se décomposent en deux temps, en ce qui concerne le contrôle de la conventionnalité de la loi, le premier temps (contrôle in abstracto) permettant même de détecter un risque d’inconventionnalité concret. Pour opérer une comparaison de cette ordonnance avec un autre « jugement en équité », il est nécessaire de prendre pour point de départ une décision assez incontestablement rendue, non pas conformément à la loi, mais plutôt au regard des circonstances particulières et de l’environnement politique. Ces caractéristiques sont satisfaites par l’arrêt Dame Lamotte[62]. Dans ce jugement, le Conseil d’État a posé, contra legem, un principe général, consacrant un droit au recours pour excès de pouvoir. En effet, il a énoncé que le « recours en excès de pouvoir est ouvert contre les décisions administratives, même sans texte », nonobstant les dispositions contraires d’une loi vichyste[63] selon lesquelles « aucun recours » ne pouvait être formé contre les décisions de réquisition du ministre. Il est indéniable que ces deux décisions ont été rendues grâce à des modalités de jugement qui relèvent, au moins partiellement, d’une même logique d’équité. Elles réunissent effectivement les caractéristiques des jugements en équité[64] identifiées en introduction, en ce sens qu’elles constituent toutes deux des décisions juridictionnelles, rendues au terme d’un raisonnement finaliste basé sur les faits et qui a conduit les juges à écarter l’application de la loi. En 1950 comme en 2016, les faits du litige ont été, à la fois, les facteurs d’une prise de conscience par le juge de la trop grande rigidité de la règle applicable, mais aussi le prétexte à une évolution du droit plus générale, dépassant l’espèce jugée. Dans les deux affaires, le juge visait un but d’équité implicitement considéré comme « supérieur » à la loi écrite : la consécration d’un droit au recours (Lamotte) et l’évolution de son office devant lui permettre de s’ériger en gardien effectif des droits et libertés fondamentaux (Gonzalez-Gomez). Dans les deux cas, les conclusions rendues sur ces deux décisions laissent à penser qu’elles ont été dictées par un respect absolu du droit. À l’instar de ce que l’on peut lire dans les conclusions d’Aurélie Bretonneau sur l’ordonnance Gonzalez-Gomez, le commissaire du gouvernement sur l’arrêt Lamotte se défendait implicitement de faire œuvre d’équité. Il justifiait cette solution en se fondant sur l’un des « principes de droit public les plus importants »[65] : celui de légalité. Sa démonstration consistait à convaincre la formation de jugement qu’il fallait faire prévaloir l’esprit du législateur de 1944[66] sur la lettre dictée, en 1943, par le législateur de Vichy. Cela n’allait pas de soi puisque l’Ordonnance du 9 août 1944 de rétablissement de la légalité républicaine n’avait précisément pas déclaré la nullité de « l’acte dit loi » déféré au Conseil d’État. Dès lors, ce ne sont pas des considérations strictement juridiques mais plus réellement politiques qui ont déterminé le choix de la formation de jugement. Force est d’ailleurs de reconnaître qu’une conception si souple de la légalité, plus matérielle que formelle, fait une part belle à l’équité et, plus tard, à la concrétisation de son office de juge de la loi par le Conseil d’État.
Si l’esprit d’équité se retrouve bien dans ces deux décisions, il nous semble que les modalités de sa mise en œuvre sont assez différentes d’un cas à l’autre. En premier lieu, notons que le rapport aux textes n’est pas tout à fait le même entre ces deux décisions. Dans un cas, le juge confronte la loi à un principe qu’il crée lui-même, alors que dans l’autre il concilie l’application du texte avec un droit expressément inscrit dans la CEDH. En effet, dans l’arrêt Dame Lamotte, le Conseil d’État ne dispose d’aucun appui textuel de sorte qu’il n’a pas d’autre choix que de créer, contra legem, un principe général du droit pour statuer sur le litige conformément à l’objectif d’équité qu’il poursuit. L’équité apparaît ici dans sa fonction supplétive. Elle intervient, dans le raisonnement, au stade de la recherche de la majeure en ce sens que la notion constitue un standard pour la détermination du contenu de la règle à créer. Tandis que dans l’ordonnance Gonzalez-Gomez, l’Assemblée se fonde sur les dispositions normatives de l’article 8 de la CEDH. Elle dispose d’un appui textuel et son rôle ici n’est pas tant de créer des règles, suffisamment nombreuses, mais bien de les concilier pour aboutir au résultat recherché. Ici l’équité est avant tout correctrice[67], elle intervient lors de la phase de qualification juridique des faits, en l’occurrence de « l’atteinte excessive et illégale » qu’a constitué l’application de la loi au cas de la requérante. En second lieu, les effets de ces deux décisions n’ont pas été identiques puisque dans l’arrêt Lamotte, la règle ainsi créée par le juge a vocation à se substituer erga omnes à l’application de la loi écrite, là où elle est explicitement écartée inter partes dans l’ordonnance de 2016. Pour les chroniqueurs de l’ordonnance Gonzalez-Gomez, la faculté de juger en équité lato sensu c’est-à-dire « ce pouvoir d’écarter la loi au regard des circonstances de l’espèce est […] de la même nature que le contrôle de conventionnalité in concreto, l’équité étant définie de façon renouvelée et rigoureuse comme une atteinte disproportionnée à un droit fondamental » [68]. Autrement dit, l’objectif d’équité que les juges poursuivaient antérieurement lorsqu’ils dérogeaient à la loi pour la résolution de certains cas particuliers, prend aujourd’hui l’apparence et même la dénomination d’une protection effective des droits et libertés fondamentaux. Ces notions (équité et droits fondamentaux) semblent ainsi dicter le contenu des solutions rendues par les juges, selon des modalités qui peuvent être diverses et parmi lesquelles s’inscrit désormais le contrôle in concreto.
In fine, il est évident qu’à l’image d’autres méthodes utilisées par le juge pour rendre des décisions proches des faits et tendant au rétablissement d’une forme d’équilibre, le contrôle in concreto relève d’une logique d’équité. Ainsi, entre ces deux idées « l’opposition doit être nuancée car, à travers la prise en compte des droits et intérêts en présence », le contrôle concret a bien « pour fonction de restaurer l’équité »[69] qui en constitue donc la finalité et en dicte le contenu. Dès lors, le contrôle in concreto n’est qu’un des supports de l’équité du juge. Partant, il semble excessif de voir, entre ces instruments, une identité parfaite.
II. L’assimilation excessive entre le contrôle concret et le jugement en équité
Affirmer que le contrôle in concreto incarne, dans sa forme contemporaine, le jugement en équité c’est dire que le premier s’identifie au second. Cette confusion doctrinale entre le contenu (équité) et le contenant (contrôle concret) se dissipe dès lors que l’on constate que le contrôle in concreto est loin d’être l’unique instrument ou contenant de l’équité de juge administratif (A). Cette assimilation discutable semble ainsi révélatrice d’une survalorisation, par la doctrine, de la réalité, tant pratique que théorique, de ces instruments (B).
A. Une confusion théorique entre la stratégie et la finalité d’équité
L’assimilation du contrôle concret de la loi au jugement en équité est, avant tout, contestable d’un point de vue sémantique. En effet, il est nécessaire de s’accorder sur la définition que l’on entend donner au « jugement en équité ». En introduction celui-ci a été strictement défini comme une « manière de résoudre les litiges en dehors des règles du droit » par une référence à la manière dont le juge conçoit la justice. Selon cette acception, le contrôle in concreto n’est pas assimilable au jugement en équité. Il faut bien admettre qu’aujourd’hui « une décision peut ne pas être fondée sur la loi, et néanmoins être fondée sur du droit, puisé à une autre source, en l’occurrence supérieure à la loi, celle de la Convention »[70]. Ainsi d’un côté, le jugement en équité se fonderait sur le seul sentiment de justice du juge alors que, de l’autre côté, le contrôle in concreto s’appuierait, lui, sur le droit, fut-il d’origine conventionnelle et non légale. Pour le dire autrement, « faute de droits, il ne s’agirait que d’une pesée d’intérêts : le contrôle de proportionnalité deviendrait simple appréciation en équité »[71]. Or, la décision Gonzalez-Gomez s’écarte de la loi mais fonde bien la solution qu’elle consacre sur le droit positif, en l’occurrence le droit à une vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH. Dès lors, le contrôle de conventionnalité in concreto « n’est pas un simple avatar de l’équité : il ne s’agit pas seulement de dire ce qui est juste (le fantasme du bon juge Magnaud), en mettant dans la balance des faits et des intérêts, mais d’assurer le respect des droits de l’individu »[72]. En revanche, si le jugement en équité s’entend, plus largement, comme toute décision juridictionnelle rendue au terme d’un raisonnement finaliste, fondée sur la solution la plus acceptable en fait et dont est induite la combinaison de règles de droit permettant d’y parvenir, alors le contrôle in concreto est évidemment un outil d’équité du juge. Cependant, « les voies de l’équité sont diverses » [73] de sorte qu’il faut s’assurer de ne pas confondre le contenu (équité) et le contenant (contrôle in concreto) de la démarche du juge. L’équité étant bien entendue ici au sens de la recherche, par le juge administratif, d’un « équilibre » factuel « entre l’intérêt public et l’intérêt privé » [74] par des méthodes variées dont le contrôle in concreto fait désormais partie. Il apparait donc clairement que ces deux notions ne jouent pas sur le même plan : l’équité constitue l’objectif et dicte le contenu des décisions mettant en œuvre le contrôle in concreto et les jugements en équité. Force est d’ailleurs de reconnaître que l’objet du contrôle concret est bien plus restreint que celui ou ceux visés par l’équité du juge. Le contrôle in concreto vise uniquement à vérifier la compatibilité de l’application d’une loi à un droit garanti par une convention internationale. Le jugement qui met en œuvre l’équité peut, quant à lui, viser des objets variés qui ne touchent pas nécessairement au contrôle de la loi, comme l’arbitrage entre deux patrimoines en matière de responsabilité de la puissance publique.
Il existe ainsi de nombreux autres « outils d’équité que celui du contrôle concret »[75] tant il est vrai que « les situations atypiques n’ont pas attendu le contrôle de conventionnalité pour que les juges tentent de leur trouver une solution appropriée, généralement d’espèce, en jouant de leur pouvoir d’appréciation, de qualification ou d’interprétation »[76]. En effet, les juges de l’ordre judiciaire[77] comme administratif[78] ont pu procéder, en poursuivant une finalité d’équité, à des comblements, des ajustements voire à des corrections du droit positif, bien avant l’apparition du contrôle concret. Pour se focaliser sur la juridiction administrative, un certain nombre d’outils et de décisions, dont nous ne donnerons que quelques exemples, font clairement apparaître que des jugements en équité étaient rendues avant la concrétisation de son office par le juge administratif. Il en va ainsi de la création, par le Conseil d’État, de plusieurs des régimes de responsabilité de la puissance publique[79] ou de la découverte de certains principes généraux du droit définis par le Président Bouffandeau comme « une œuvre constructive de la jurisprudence, réalisée pour des motifs supérieurs d’équité, afin d’assurer la sauvegarde des droits individuels des citoyens »[80]. Dans la même veine, la mise en œuvre de certaines techniques d’interprétation a pu permettre au Conseil d’État de faire prévaloir une certaine forme d’équité. Tel est le cas, dans le cadre du contrôle abstrait de la loi, de l’interprétation neutralisante des dispositions de l’article L. 160-5 du Code de l’urbanisme au regard de l’article 1 du Protocole n°1 à la CEDH, à laquelle a procédé le juge administratif dans l’arrêt Bitouzet[81]. Pour rappel, l’article du code pose le principe selon lequel les servitudes d’urbanisme instituées sur son fondement n’ouvrent droit à aucune indemnité compensatrice, à une exception près, prévue par la loi elle-même[82]. En dépit de la clarté de ce texte, le Conseil d’État a interprété ces dispositions comme ne faisant « pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d’une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l’ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en œuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général poursuivi ». Outre le champ sémantique utilisé par l’arrêt, évocateur d’une idée de proportion concrète caractéristique de l’équité, il semble bien que le Conseil d’État a ici substitué « sa propre appréciation de l’équité à celle du législateur » [83]. Au-delà de cette équité supplétive, le juge fait aussi œuvre d’une équité plus correctrice et circonstanciée par la voie des certaines techniques de contrôle de l’Administration. Tel est le cas du contrôle de la nécessité des mesures de police[84] explicitement devenu le triple test de proportionnalité[85], de la théorie du bilan[86] ou encore du contrôle de l’appréciation des faits par l’Administration limité à l’erreur manifeste[87]. À propos de ces instruments, le Président Braibant a pu affirmer qu’ils ont « pour objet d’introduire des considérations d’équité dans l’examen des choix du gouvernement et de l’administration »[88]. Ces trois méthodes sont effectivement destinées à permettre aux juridictions de contrôler l’exercice concret de son pouvoir discrétionnaire par l’Administration dans des cas où « les conditions juridiques de mise en œuvre sont [pourtant] réunies in abstracto »[89]. Il s’agit donc pour le juge d’imposer une forme de « moralité » ou « d’éthique » administrative, au-delà des seules exigences légales, en sanctionnant les comportements abusifs (bilan, proportionnalité, erreur manifeste d’appréciation) voire déloyaux (détournement de pouvoir) des autorités publiques. Enfin et c’est assez logique, la grande majorité des manifestations de l’équité du juge administratif s’identifient dans des décisions d’espèce, dont nous épargnerons le catalogue au lecteur. Pour n’en donner qu’un exemple, il est possible d’évoquer la décision Dame Béry[90] qui fut jugée dans les années 1960, soit bien avant l’admission, par le Conseil d’État, de tout contrôle de conventionnalité de la loi, fut-il abstrait. En l’espèce, il s’agissait d’une petite fille, abandonnée par sa mère biologique, confiée à l’Assistance publique puis à une famille d’accueil désireuse de l’adopter. Le projet avait reçu l’aval des instances compétentes et se poursuivait jusqu’à ce que la mère naturelle demande et obtienne du tribunal administratif l’annulation de l’acte d’immatriculation de l’enfant. Dans ce « litige dramatique », où les faits ont pris une part prépondérante dans la solution choisie, le Conseil d’État a rendu un « jugement de Salomon »[91]. En effet, il a admis la tierce-opposition formée par la mère nourricière contre le jugement du tribunal administratif qui prononçait l’annulation de la décision d’immatriculation de l’enfant. Si cette solution n’était pas parfaitement conforme au droit, elle était « humainement nécessaire » et « pratiquement acquise » [92] en ce sens qu’elle était la seule à ne pas emporter de conséquences irréversibles. En effet, la mère nourricière aurait été privée de toute voie de recours contre le jugement de première instance si le Conseil d’État avait déclaré sa requête irrecevable conformément à la lettre du droit positif. Il est constant que la recevabilité de la tierce-opposition est soumise à deux conditions cumulatives[93] : l’action doit émaner d’une partie qui n’a pas été représentée à l’instance et elle doit être dirigée contre une décision contentieuse qui préjudicie aux droits du tiers-opposant[94]. Or, il ne fait pas de doute qu’une mère nourricière n’a aucun droit subjectif sur l’enfant dès lors qu’il s’agit d’une garde précaire. Pour autant, dans sa chronique à la Revue de Droit Public, Marcel Waline rapportait que le commissaire Rigaud invitait la formation à considérer que la Dame Béry (mère nourricière) avait bien des droits sur l’enfant auxquels préjudiciait le jugement. La formation se rangeant ainsi du côté de son commissaire fit « très exactement, « du droit prétorien » expression galvaudée mais idoine pour désigner le cas en présence, par lequel le juge décide d’abord la solution : celle d’accorder l’action à la tierce-opposante tout en prenant quelques libertés avec le texte » [95]. Cette décision serait un parangon de jugement en équité du Conseil d’État, ce que confirment des conclusions d’Anne Courrèges évoquant cet arrêt pour rappeler combien « la rigueur des principes peut se trouver à l’occasion atténuée par des raisons d’équité »[96].
Il devient alors parfaitement limpide que si le contrôle in concreto est un outil permettant au juge, dans certains cas et sous certaines conditions, de faire œuvre d’équité, il est loin d’être exclusif. Ce qui pose alors nécessairement la question de savoir pourquoi les critiques qui se cristallisent autour du contrôle in concreto invoquent un retour, qui n’en est pourtant pas un, des jugements en équité.
B. Une survalorisation des mises en œuvre concrètes de l’équité par le juge
Il a été établi que les auteurs, majoritairement privatistes, assimilent le contrôle in concreto au jugement en équité. Puis, nous avons constaté que les auteurs les plus critiques à l’égard de cette méthode sont ceux qui ont le plus tendance à l’assimiler au jugement en équité. Partant, nous formulons l’hypothèse selon laquelle cet amalgame résulte d’une valorisation excessive, par la doctrine, de la réalité théorique et pratique de ces instruments, voire qu’il constitue un argument rhétorique tendant à discréditer le contrôle concret en lui faisant endosser le poids de l’histoire des jugements en équité.
Cet excès, conscient ou non, peut s’expliquer par plusieurs facteurs notamment historiques qui ont trait, tant à la familiarité des publicistes avec le pouvoir créateur – et parfois même correcteur – du juge, qu’à une crainte épidermique de certains privatistes à l’égard d’un retour aux jugements en équité des Parlements de l’Ancien régime. Or, il est aujourd’hui reconnu que le procès fait à ces Cours souveraines a largement été exagéré[97]. Si ces dernières jugeaient parfois en équité, elles cherchaient aussi une certaine cohérence et se voulaient respectueuses de la loi, au moins celle d’origine divine. Il en va de même des décisions rendues par le juge Magnaud. Certaines sont restées célèbres pour s’être soustraites au respect de la loi mais d’autres le sont, aussi, pour avoir été à l’origine de la création des mécanismes de droit, toujours pérennes[98]. Cette assimilation demeure contestable sous plusieurs autres aspects. D’abord, aucun des auteurs qui accusent les juges contemporains de revenir à cette pratique ne pourrait soutenir que les jugements en équité de l’Ancien régime seraient reproductibles dans un système juridique aussi riche et complexe que le nôtre. Il est bien évident que les manifestations contemporaines de l’équité du juge s’inscrivent, elles, dans un carcan normatif bien délimité par l’objectif fondamental de garantie des droits. Dans tous les cas, même à concéder que le contrôle in concreto est un des outils d’équité du juge, les liens établis entre ces notions n’auront probablement pas les conséquences désastreuses qu’on leur attache. Il est même possible d’avancer qu’un tel parallèle permet de faire du droit prospectif. En analysant l’utilisation par le juge des autres outils d’équité, il serait possible d’anticiper celle qu’il fera de ce nouvel instrument. À cet égard, force est de constater que le juge administratif use de cette nouvelle méthode avec la même circonspection que lorsqu’il mobilise des outils d’équité plus classiques. De la jurisprudence sur le contrôle in concreto, en particulier l’ordonnance Gonzalez-Gomez[99], il ressort deux limites très claires à l’exercice de ce contrôle : l’intention frauduleuse du requérant et la nature de l’interdit législatif. En outre, le juge administratif a déjà fait montre de ses réserves à étendre ce contrôle au-delà du domaine de la PMA post-mortem dans deux décisions récentes, notamment à raison de la nature de l’interdit en cause. Il a successivement refusé d’exercer le contrôle in concreto sur le principe de l’anonymat du don de gamètes dans une décision Molénat[100] et sur le système de contrôle juridictionnel des amendes fiscales, dans une décision Société Edenred[101]. Le débat de cette dernière affaire portait sur la conventionnalité de l’article 1734 ter du Code général des impôts, sur le fondement duquel la société avait été condamnée à une amende fiscale. Il s’agissait en particulier de vérifier la compatibilité du mécanisme avec les exigences de l’article 6 CEDH et de l’article 1 du Protocole additionnel n°1, eu égard à l’absence de contrôle de proportionnalité du juge en la matière. Le Conseil d’État a refusé de procéder à un contrôle in concreto de la proportionnalité de l’amende fiscale au motif que l’absence d’un tel contrôle dans les prévisions de la loi avait été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Dans l’affaire Molénat, le juge administratif a écarté, dans son principe, le contrôle de conventionnalité in concreto de la règle de l’anonymat du don de gamètes posée par les articles 16-8 du Code civil et L. 1211-5 du Code de la santé publique, au regard des articles 8 et 14 de la CEDH. Il a motivé son refus sur les « plusieurs considérations d’intérêt général (qui) ont conduit le législateur » à poser cette règle[102] parmi lesquelles prévenir le risque « d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps », une finalité « qui traduit la conception française du respect du corps humain » et qui fait obstacle à ce qu’il soit dérogé à la règle en raison de circonstances particulières propres à la situation d’un demandeur. Par ces arrêts « le Conseil d’État semble vouloir corriger ce qui a pu apparaître aux yeux de certains commentateurs comme un triple affront : l’affront du sentiment fait au droit, celui du juge à la loi, et celui de la pensée casuistique au raisonnement par syllogisme »[103]. Selon le professeur Dupré de Boulois cette prudence s’explique également par le scepticisme non dissimulé, à l’égard de ce contrôle concret, de certains membres du Conseil d’État dont le rapporteur public de l’arrêt Molénat. Le professeur rappelait qu’Édouard Crepey « n’a en effet pas caché ses réticences à l’égard de l’évolution initiée par l’arrêt Gonzalez-Gomez, en particulier en présence « d’un interdit absolu plaçant l’administration en situation de compétence liée » et que « si cette interprétation devait s’imposer, l’arrêt Gonzalez Gomez serait ravalé au rang d’une simple décision d’espèce sur ce point »[104]. Il faut toutefois relever, à raison de l’importance que le Conseil d’État attache aux formations de jugement pour déterminer la portée de ses décisions, que l’ordonnance Gonzalez-Gomez a été rendue en Assemblée alors que les derniers arrêts cités furent rendus par les 9e et 10e chambres réunies.
En tout état de cause, les craintes formulées par la doctrine peuvent désormais être relativisées. D’abord, il faut être attentif à bien distinguer l’équité et l’arbitraire du juge. Force est de reconnaître que le jugement arbitraire ne peut se définir que comme une décision particulière fondée sur le seul sentiment de justice du juge dans le cas particulier. Le jugement équitable, qui pourra parfois prendre la forme d’un contrôle de la conventionnalité in concreto, se matérialise, quant à lui, dans une décision particulière mais rendue grâce à la combinaison équilibrée des données de fait et des données juridiques pour une espèce donnée. Dans ce nouveau paradigme, s’il arrive au juge administratif de combler les vides juridiques ou d’écarter l’application des lois dans certains cas, il semble qu’il trouvera toujours une base textuelle pour la nouvelle règle qu’il pose ou le jugement qu’il rend. Loin de tout angélisme, il s’agit simplement d’affirmer que si un juge se fondait sur sa seule intuition de la justice pour rendre une décision, il n’échapperait pas à la censure des juridictions supérieures, voire au risque d’exposer la France à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme. Pour le dire autrement, les juges conservent une certaine faculté de rendre des décisions officieuses d’équité mais non des jugements arbitraires. En effet, certaines des garanties du procès équitable, telles que la motivation des décisions, les différents degrés de juridictions et la collégialité, semblent prémunir assez efficacement les justiciables contre l’éventualité de jugements arbitraires. Ensuite, il est important d’insister sur le fait que le juge est avant tout un juriste dont l’activité principale est bien d’appliquer le droit. Ce faisant, même lorsqu’il renverse le syllogisme en s’attachant aux faits et à la solution qui lui paraît la plus juste, le juge ne saurait faire fi des données proprement juridiques. Sur ce point, relevons le fort attachement que marque le juge administratif à l’égard du principe d’égalité, refusant d’ailleurs de consacrer un quelconque droit à une différence de traitement[105]. Mais il n’interprète pas ce principe comme impliquant un traitement identique de situations dissemblables[106] de sorte que « l’égalité devant la loi ne saurait conduire à ce qu’elle soit appliquée de manière systématiquement uniforme »[107]. Or, s’agissant de l’affaire Gonzalez-Gomez, « le demandeur d’une autorisation d’exporter n’est pas placé dans une situation comparable selon que sa demande repose sur une intention délibérée de contourner la loi française ou, comme dans la présente affaire, manifeste seulement l’exercice d’une forme de droit de suite sur un projet parental partagé et consenti »[108]. Il convient d’ajouter que le contrôle in concreto et le raisonnement téléologique sont de simples addendum qui viennent compléter, et non remplacer, le contrôle in abstracto et syllogistique. Il est bien évident que la loi va continuer de s’appliquer, également, aux situations prévisibles alors que le contrôle in concreto aura vocation à couvrir les situations les plus extraordinaires, comme le faisaient, en leur temps mais selon d’autres modalités, les principes généraux du droit. Dès lors, « la méthode ne prive pas pour autant de protection les situations typiques, c’est-à-dire celles que le législateur avait en vue, mais celle-ci devrait plus souvent être scellée par le contrôle abstrait : si le contenu de la loi, élaboré en vue de ces situations, n’est en lui-même pas inconventionnel, il sera difficile de démontrer en quoi son application le serait ». La loi reste donc, par principe, applicable à tous, certaines situations étant simplement désormais considérées comme trop marginales pour avoir été prévues par elle. D’ailleurs, ni l’égalité devant la loi, ni la sécurité juridique n’impliquent « la mise en œuvre mécanique de la loi »[109]. Concernant le risque d’imprévisibilité du droit, nous rejoignons la thèse de Pascale Deumier, Julien Bonnet et Agnès Roblot selon laquelle deux éléments pourraient permettre, à terme, de réintroduire de la sécurité juridique face aux nombreux mécanismes d’assouplissement du droit. D’une part, le plus grand respect des précédents par les juges impliquera une meilleure prévisibilité des décisions[110]. D’autre part, la motivation des jugements mettant en œuvre le contrôle in concreto semble aller en se densifiant et s’enrichissant[111], ce qui va ouvrir la voie à une meilleure lisibilité des décisions ainsi qu’à un contrôle plus efficace de la doctrine, des justiciables et de leurs conseils[112]. Les juridictions ont déjà entamé des efforts de simplification de leurs décisions dont le symbole, en contentieux administratif, est l’abandon ponctuel du « considérant » par le Conseil d’État. Cette suppression, la plus grande considération pour les faits et l’effort de densification des motivations pourraient conduire les juges internes à adopter des décisions juridictionnelles qui ressemblent formellement à celles des juridictions anglaises ou à celles de la Cour européenne des droits de l’Homme. Précisons à cet égard que le juge administratif français pratique, depuis longtemps déjà, le style discursif dans ses décisions en matière de responsabilité administrative, de sorte qu’il n’aura qu’à appliquer ce modèle de motivation aux décisions mettant en œuvre le contrôle concret. Dans cette perspective, il nous semble que le justiciable ne doit pas craindre l’arbitraire du juge dès lors qu’il est assuré qu’en règle générale, les dérogations faites à la loi, même au prix de la sécurité juridique, auront lieu en sa faveur[113] et en toute transparence.
Pour terminer sur la plus délicate des critiques, celle de la crainte du gouvernement des juges, il faut à nouveau s’entendre sur les termes. Si cette expression est comprise comme « une usurpation de pouvoirs vis-à-vis du législateur » par le juge[114], alors il paraît excessif de déceler une telle ambition dans la concrétisation de leur contrôle de la conventionnalité de la loi par les hautes juridictions françaises. Ce, d’autant plus au regard du faible nombre d’occurrences de mise en œuvre de cet instrument dans seulement deux arrêts, l’un de la Cour de cassation, l’autre du Conseil d’État. Rappelons, en outre, que le juge administratif a refusé, par deux décisions récentes, d’étendre matériellement ce contrôle au-delà du cas de Mme Gonzalez-Gomez. Enfin, ne faut-il pas se demander avec le Professeur Deumier « quel contrôle dénature le plus l’office du juge judiciaire ou administratif : celui par lequel, depuis plusieurs décennies, il condamne les vues générales du législateur ou celui par lequel, depuis quelques années, il en conteste une application particulière, sans remettre en cause son applicabilité générale »[115] ? Reste à observer si le juge fera un usage aussi parcimonieux de ce nouvel outil d’équité que des anciens.
[1] J. MOURY, « De quelques aspects de l’évolution de la jurisdictio, Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? » Mélanges Perrot, Dalloz, 1996, p. 302.
[2] P. DELVOLVE, Note sur l’arrêt du Conseil d’État, 31 mai 2016, Mme Gonzalez-Gomez, RFDA, 2016, p. 755.
[3] V. En ce s. M. HEERS, magistrat administratif, qui définit l’équité « comme la solution acceptable par tous, même si ce n’est pas la meilleure en soi … » dans « Le juge administratif et l’équité en France », J-M. Woehrling (Dir), Les transformations de la justice administrative, Economica, 1995, p. 210.
[4] G. CORNU, Entrée « équité », 4°, Vocabulaire juridique, 10e ed., PUF, 2013.
[5] G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, LGDJ, 1926, p. 386.
[6] F. GENY, « Une passade de jurisprudence : le phénomène Magnaud », Méthodes d’interprétation et sources en droit privé positif, Épilogue de la seconde édition, LGDJ, 1919, t. 2, p. 291.
[7] M.-A. FRISON-ROCHE, « Le modèle du bon juge Magnaud », De code en code : mélanges en l’honneur du doyen Georges Wiederkehr, Dalloz, 2009, p. 336-342.
[8] Y. GAUDEMET, Les méthodes du juge administratif, Thèse soutenue en 1972, LGDJ, 2014, p. 21.
[9] D. SALAS, « L’équité ou la part maudite du jugement », Justices, Revue générale de droit processuel, no 9, 1998, p. 116.
[10] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, « La concrétisation des contrôles de la loi », RFDA, 2017, p. 821.
[11] V. en ce s. P. DEUMIER qui le définit même comme le « contrôle de compatibilité à la Convention européenne des droits de l’homme, non du contenu de la loi, mais de son application à des circonstances particulières » dans « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD civ., 2016, p. 579.
[12] Civ., 1re, 4 décembre 2013, n° 12-26.066, Bull. civ. I, n° 234.
[13] Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, n° 396848, Rec., p. 208.
[14] X. DUPRE DE BOULOIS, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’État ? (CE, 28 déc. 2017, Molénat) », RDLF, 2018, Chron., 4.
[15] N. BOULOUIS, Concl. CE, Sect., 10 novembre 2010, Commune de Palavas Les Flots, Commune de Lattes, « La double notion d’inconventionnalité de la loi », RFDA, 2011, p. 124 s.
[16] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 821.
[17] V. J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 821 s. ; P. DEUMIER, « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD civ., 2016, p. 578 s.
[18] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 822.
[19] P. DEUMIER, Op. cit., p. 579, v. par ex. contrôle des sanctions.
[20] Ibid.
[21] B. LOUVEL, « Communiqué : mariage d’un beau-père et de sa belle-fille », décembre 2013, site de la Cour de cassation, https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/beau_pere_27992.html.
[22] Ibid.
[23] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 821 s.
[24] Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, n° 396848, Rec., p. 208.
[25] V. art. L. 521-2 CJA « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures »
[26] CE, 30 décembre 2002, Ministre de l’Aménagement du territoire c/ Carminati, n°240430, Rec. p. 510.
[27] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 836.
[28] Ibid., p. 823.
[29] N. BOULOUIS, Concl. CE, Sect., 10 novembre 2010, Commune de Palavas Les Flots, Commune de Lattes, « La double notion d’inconventionnalité de la loi », RFDA, 2011, p. 124 s.
[30] V. en ce s. P. DELVOLVE, Note sur l’arrêt du Conseil d’État, 31 mai 2016, Mme Gonzalez-Gomez, RFDA, 2016, p. 754.
[31] M.-L. PAVIA, « Remarques méthodologiques autour du retour de l’équité dans le jugement », L’équité dans le jugement, Actes du colloque de Montpellier, l’Harmattan, 2003, p. 139.
[32] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 822.
[33] P. DEUMIER, Op. cit., p. 579, v. par ex. contrôle des sanctions.
[34] H. FULCHIRON, « Contrôle de proportionnalité ou décision en équité ? », D., 2016, p. 1473.
[35] A. DESSENS, Essai sur la notion d’équité, F. Boisseau, 1934, p. 187.
[36] V. cependant P. DELVOLVE, Note sur l’arrêt du Conseil d’État, 31 mai 2016, Mme Gomez, RFDA, 2016, p. 754 s.
[37] V. cependant P. DEUMIER, « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD civ., 2016, p. 578 s.
[38] B. LOUVEL, Discours « La Cour de Cassation face aux défis du XXIe siècle », mars 2015, site de la Cour de cassation,
https://www.courdecassation.fr/publications_26/discours_tribunes_entretiens_2039/discours_2202/premier_president_7084/discours_2015_7547/face_defis_31435.html.
[39] L. CADIET, « Introduction », Regards d’universitaires sur la réforme de la Cour de cassation, JCP G, supplément, 2016, p. 21.
[40] F. CHENEDE, « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation ? », D., 2016, p. 796.
[41] F. ZENATI-CASTAING, « La juridictionnalisation de la cour de cassation », RTD civ., 2016, p. 519.
[42] V. LARRIBAU-TERNEYRE « Quand l’ordre de la loi peut être contredit par le juge : le contrôle de conventionnalité in concreto appliqué à la prescription de l’action en recherche de paternité », JCP G, 2017, n° 3, p. 46.
[43] F. CHENEDE, Op. cit., p. 800.
[44] Ibid.
[45] F. CHENEDE, « Des dangers de l’équité au nom des droits de l’homme (à propos de la validation judiciaire d’un mariage illégal) », D., 2014, p. 179 s.
[46] F. ZENATI-CASTAING, « La juridictionnalisation de la cour de cassation », Op. cit., p. 526.
[47] J.-P. MARGUENAUD, « L’insémination post mortem, ferment de révolution tranquille au Conseil d’État », RTD civ., 2016, p. 802 s.
[48] L’auteur ne distingue pas, dans son article, le contrôle de proportionnalité et le contrôle de conventionnalité in concreto.
[49] H. FULCHIRON, Op. cit, p. 1472 s.
[50] X. DUPRE DE BOULOIS, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’État ? (CE, 28 déc. 2017, Molénat) », RDLF, 2018, Chron., 4
[51] J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, « La concrétisation des contrôles de la loi », RFDA, 2017, p. 836.
[52] Évolution qui tient plus, selon eux, à des « considérations stratégiques » liées à un environnement de concurrence entre les différents juges de la loi.
[53] V. tout particulièrement J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, Op. cit., p. 821 s. ; A. BRETONNEAU, Concl. sur Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, RFDA 2016, p. 740 s. qui se réfèrent au contrôle in concreto déjà implicitement opéré par le Conseil d’État dans des arrêts plus anciens : CE, 19 avril 1991, Belgacem, Rec., p. 152, n° 107470 ; CE, Sect., 10 novembre 2010, Commune de Palavas Les Flots, Commune de Lattes, Rec., p. 249, n°s 314449, 314580, Concl. N. Boulouis, « La double notion d’inconventionnalité de la loi », RFDA, 2011, p. 124 s. ou encore Concl. M. Guyomar, sur CE, Sect., 31 octobre 2008, Section Française de l’Observatoire des prisons, n° 293785, Rec., p. 374.
[54] P. DELVOLVE, Op. cit., p. 755.
[55] A. BRETONNEAU, Op. cit., p. 751.
[56] M. LAMARCHE, « Empêchement à mariage entre alliés et nullité : sentimentalisme ou pragmatisme de la Cour de cassation », Sem. Juridique, 27 janv. 2014, p. 93 cité par A. BRETONNEAU, Concl. sur Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, Op. cit., p. 749.
[57] A. BRETONNEAU, Concl. sur Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, Op. cit., p. 751.
[58] ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, J. Tricot (Trad.), Les échos du Maquis, 1959, Livre V, p. 126.
[59] F. ZENATI-CASTAING, « La juridictionnalisation de la cour de cassation », Op. cit., p. 519.
[60] Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, n° 396848, Rec., p. 208.
[61] A. BRETONNEAU, Concl. sur Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, Op. cit., p. 740 s.
[62] CE, 17 février 1950, Ministre de l’Agriculture c. Dame Lamotte, Rec. p. 110 s., n°86949.
[63] Acte « dit loi » du 23 mai 1943.
[64] Lato sensu.
[65] J. DELVOLVE, Concl. sur CE, 17 février 1950, Dame Lamotte, RDP, 1951, p. 478 s.
[66] En référence à l’Ordonnance du 9 aout 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ayant déclaré nuls un certains nombres d’actes législatifs pris par le régime de Vichy.
[67] Même si elle intervient également, suite à l’opération de qualification, au stade de l’interprétation des règles lorsque le juge combine les règles pour les interpréter dans le sens le plus favorable à la requérante.
[68] L. DUTHEILLET DE LAMOTHE, G. ODINET, « Contrôle de conventionnalité : in concreto veritas ? » Chron., AJDA 2016, p. 1404.
[69] H. FULCHIRON, « Contrôle de proportionnalité ou décision en équité ? », D., 2016, p. 1473.
[70] P. DEUMIER, « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD civ., 2016, p. 585.
[71] H. FULCHIRON, Op. cit., p. 1473.
[72] Ibid.
[73] Ibid.
[74] M. FOULETIER, Recherches sur l’équité en droit public, Thèse soutenue en 1999, LGDJ, 2003, p. 105.
[75] P. DEUMIER, Op. cit., p. 585.
[76] Ibid.
[77] V. C. ALBIGES, De l’équité en droit privé, Thèse soutenue en 1997, LGDJ, 2000.
[78] V. L. BOHL, L’équité dans la jurisprudence administrative, Thèse soutenue en 2000. ; M. FOULETIER, Recherches sur l’équité en droit public, Thèse soutenue en 1999, LGDJ, 2003.
[79] V. régime de responsabilité sans faute fondée sur le risque (CE, 21 juin 1895, Cames, n° 82490, Concl. J. Romieu, p. 509) et celui fondé sur la rupture d’égalité devant les charges publiques (CE, 30 novembre 1923, Couitéas, n° 38384, 48688, Rec., p. 789, Concl. R. Rivet, D. 1923, 3, p. 59).
[80] T. BOUFFANDEAU, cité par M. LETOURNEUR, « Les principes généraux du droit dans la jurisprudence du Conseil d’État », EDCE, 1951, p. 19.
[81] V. en particulier CE, Sect., 3 juillet 1998, Bitouzet, n° 158592, Rec., p. 288, Concl. R. Abraham, RFDA, 1998, p. 1243 s.
[82] L’alinéa 2 de l’article L. 160-5 prévoyait une indemnité s’il résultait « de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l’état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain… ».
[83] R. ABRAHAM, Concl. sur CE, Sect., 3 juillet 1998, Bitouzet, Op. cit.: le commissaire du Gouvernement rappelle à la formation de jugement qu’il ne lui appartient « pas de substituer [sa] propre appréciation de l’équité à celle du législateur »[83] et préconise pourtant la solution qui a été adoptée par laquelle le juge supplée, dans une volonté d’équilibre, au silence de la loi.
[84] CE, 19 mai 1933, Benjamin, n°s 17413, 17520, Rec. p. 541.
[85] CE, 26 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image et autres, n°317827, Rec., p 505.
[86] CE, Ass., 28 mai 1971, Ministre de l’Équipement et du Logement c. Fédération de défense des personnes concernées par le projet actuellement dénommé « Ville nouvelle Est », n° 78825, Concl. G. Braibant, Rec., p. 410 s. dans lesquelles il énonce que « ce qui importe, c’est que [son] contrôle permette de censurer les décisions arbitraires, déraisonnables… ».
[87] CE, Sect., 2 juin 1961, Leduc, Rec., p. 365. n° 43690, ; v. égal. CE, 6 novembre 1970, Sieur Guyé, Rec., p. 652, n° 70784, Concl. J. Baudouin, RDP, 1971, p. 517 s. où le commissaire du Gouvernement définit l’erreur manifeste d’appréciation comme un « mécanisme de secours en cas d’iniquité patente ».
[88] G. BRAIBANT, « Nouvelles réflexions sur les rapports du droit et de l’équité », RFAP, n°64, 1992, p. 688.
[89] M. FOULETIER, Op. cit., p. 105.
[90] CE, Ass., 29 octobre 1965, Dame Béry, Rec. p. 565 s., Concl. J.-M. Rigaud, RDP, 1966, p. 151s.
[91] M. WALINE, Note sur CE, Ass., 29 octobre 1965, Dame Béry, RDP, 1966,, p. 153.
[92] Ibid., p. 157.
[93] CE, 29 novembre 1912, Boussuge, Rec., p. 1128.
[94] Il s’agit d’une « règle générale » de procédure, tirée de l’art. 474 ancien Code de procédure civile selon l’arrêt CE, 29 novembre 1912, Boussuge, Op. cit.
[95] M. WALINE, Note sur CE, Ass., 29 octobre 1965, Dame Béry, préc., p. 160.
[96] A. COURREGES, Concl. CE, 16 novembre 2009, SARL les résidences de cavalière, n° 308623, Tables p. 983, AJDA, 2010, p. 454 s.
[97] M.-F. RENOUX-ZAGAME, « Le Royaume de la loi : équité et rigueur du droit selon la doctrine des parlements de la monarchie », Justices, Revue générale de droit processuel, no 9, 1998, p. 18-38.
[98] V. en ce s. F. CHENEDE, « Contre-révolution tranquille à la Cour de cassation ? », D., 2016, p. 799, note 25 qui invite à ne pas « discréditer toute l’œuvre du juge Magnaud : à côté des décisions « sentimentalistes » rendues contre la volonté du législateur (jugement en équité), on trouve nombre de jugements qui ne font que combler, avec esprit de justice, les insuffisances de la loi (jugement d’équité) ».
[99] Ord., CE, Ass., 31 mai 2016, Gonzalez-Gomez, n° 396848, Rec., p. 208.
[100] CE, 9e et 10e ch., réunies, 28 déc. 2017, Molénat, n°396571.
[101] CE, 9e et 10e ch., réunies, 4 déc. 2017, Société Edenred, n° 378795.
[102] Au rang desquelles : « la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes »
[103] S. ROUSSEL, C. NICOLAS, « Ni vu ni connu : l’anonymat du don de gamètes à l’épreuve du contrôle de conventionnalité », AJDA, 2018, p. 499.
[104] X. DUPRE DE BOULOIS, « Contrôle de conventionnalité in concreto : à quoi joue le Conseil d’Etat ? (CE, 28 déc. 2017, Molénat) », RDLF, 2018, Chron., 4.
[105] CE, Ass., 28 mars 1997, Société Baxter, n°s 179050 ; 179054, Rec., p. 114.
[106] CE, 10 fév. 1928, Chambre syndicale des propriétaires marseillais, Rec., p. 222 ; CE Sect. 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n°s 88032, 88148, Rec, p. 274.
[107] M. GUYOMAR, « Référé-liberté et contrôle de conventionnalité de la loi : nouveau mode d’emploi », Gaz. Pal., n° 28, p. 29.
[108] Ibid.
[109] Ibid.
[110] À cet égard remarquons que le Conseil d’État fait parfois référence à ses arrêts dans certaines de ses décisions : ex. Ord, CE, 9 janvier 2014, Ministre de l’intérieur c. société de Production La Plume et M. Dieudonné M’Bala, M’ Bala, n°374508 citant les décisions Benjamin du 19 mai 1933, Commune de Morsang Sur Orge du 27 octobre 1995 et l’avis Hoffman-Glémane du 16 février 2009.
[111] À raison de la prise en compte accrue des faits dans les décisions juridictionnelles.
[112] V. en ce s. P. DEUMIER, « Contrôle concret de conventionnalité : l’esprit et la méthode », RTD civ., 2016, p. 578 s. ; J. BONNET, A. ROBLOT-TROIZIER, « La concrétisation des contrôles de la loi », RFDA, 2017, p. 821 s.
[113] v. en ce sens usage pouvoir modulation des effets dans le temps des nouvelles règles jurisprudentielles depuis CE, Ass., 16 juillet 2007, Sté Tropic Travaux, n° 291545, Concl. D. Casas, Rec., p. 360.
[114] M. GUYOMAR, Op. cit.
[115] P. DEUMIER, Op. cit., p. 581.